Exploration [ PV Ofelia ] ~

C

a fait quelques heures. Quelques heures à peine que ce jeu de merde a commencé, que les portes de l'entrepôt se sont ouvertes, et que des citoyens à priori parfaitement saints d'esprit regardent la télé, la bave au coin de la bouche, commençant déjà à parier sur untel. Je me sens hargneuse. Bien plus que je ne l'avais prévu, moi qui ai pourtant essayé de calculer tout - ou presque - à l'avance ... On ne peut pas programmer ces choses là. C'est et ça reste un jeu de merde, mais c'est malgré tout une idée extrêmement bien trouvée, même si je peine à le reconnaître.

Evidemment. Evidemment que tout le monde allait regarder ça. Je soupire. Même inconsciemment, je ne peux pas m'empêcher d'y penser encore et toujours. Mais le temps n'est plus à la réflexion maintenant, et je le sais très bien. Si j'ai la moindre chance de survivre ici, alors autant la saisir tout de suite. Je porte la main à ma ceinture, là où se trouve mon revolver. J'espère ne pas avoir à m'en servir trop tôt. Mes pas me portent je ne sais où, l'île est grande, je veux la connaître, le mieux possible. Ca peut toujours aider.

J'arrive devant des falaises. Immense territoire déchiqueté, qui s'ouvre sur une mer agitée en cette fin d'après-midi. Je me sens terriblement à découvert, et je sais que ce sentiment ne me quittera plus d'une semelle jusqu'à l'issue du jeu. Mais il n'y a rien d'autre, dans ce territoire désolée, aucune cachette potentielle. D'ailleurs, je ne compte pas me cacher, très peu pour moi. Je reste donc quelques instants immobiles, face à la mer, perdue dans mes pensées. Tout semble calme, je n'entend pas un bruit excepté celui des vagues qui viennent se briser contre les rochers. Est-ce qu'on m'épie, est-ce que ces milliers d'yeux inconscients de l'horreur qui va bientôt se dérouler ici sont en train de me regarder ?

Instinctivement, mon visage se ferme et se tend, caché par cet air obstiné qui me caractérise si bien, parait-il. S'il y a bien une chose qui me fait horreur, c'est de savoir qu'à tout moment je suis peut-être épiée, que certaines personnes s'amusent de ma situation. Je chasse ces pensées de mon esprit et entend soudainement un bruit, derrière moi. Pas grand chose. Je me retourne néanmoins vivement.

« Il y a quelqu'un ? »

Je porte ma main à ma ceinture, prête à me défendre dans l'immédiat si besoin. Etrangement, je n'ai pas peur. Je sens juste une obstination farouche me tordre les boyaux. Il y a forcément quelqu'un par ici, du moins, c'est ce que je pense. Autant c'est un Virtuel ou un joueur ayant reçu une arme particulièrement efficace et à qui cela a pris la tête, auquel cas, je suis dans la merde, autant c'est un joueur qui rejette l'idée de devoir se servir d'une arme, ce qui serait plutôt préférable pour mon cas.

Personne ne s'en sortira seul, j'en suis consciente. On ne peut pas survivre ici par ses propres et uniques moyens. Il faudrait des organisations. Des planques, des rôles, des liens. A cette pensée, je me détend un peu et attend de voir qui traîne par ici.

La lumière avait pénétré dans l'entrepôt, chassant les ténèbres qui se trouvaient sur son chemin. Ofelia avait d'abord été éblouie, portant sa main à ses yeux et plissant les paupières pour tenter de voir ce qui se passait. Ce qui se trouvait autour d'elle s'était alors dévoilé lentement, le temps qu'elle s'acclimate à la luminosité ambiante. Rien. Pas grand chose. C'était froid et ambigu. Et elle sentait qu'elle avait plutôt intérêt à sortir de là.

N'y comprenant absolument rien, se demandant si, ce faisant, elle ne se jetait pas dans la gueule du loup, un quelconque piège sournois installé là à son intention - tout est bon pour se distraire, se disait-elle - la jeune fille se rua comme une furie hors du bâtiment, son super boomerang de la mort bien en main. Ce qu'elle vit alors l'horrifia. Une... Jungle? Ou un truc du genre. Enfin, des arbres, de la végétation luxuriante, et des cris d'oiseaux en tout genre... Tout ça lui rappelait une certaine série télévisée bien à la mode en ce moment. Elle se retourna pour voir ce dans quoi elle avait été enfermée et ne fut pas surprise de le découvrir: un entrepôt. Pas de la plus grande jeunesse. c'était tellement banal...
Enfin, pas le temps de bavasser, mieux valait s'enfuir à toutes jambes, c'était plus sûr. Et tant pis si c'était une erreur.

Ofelia s'était donc mise à courir sans cesse au milieu des arbres, manquant de tomber en trébuchant sur une racine de temps en temps, se vautrant carrément dans la boue d'autre fois. Elle se retrouva bientôt avec des vêtements totalement sales, terreux, bref, l'horreur quand même. Et elle ne pensait pas pouvoir en trouver de rechange dans le coin, ou au moins une machine à laver. Mais là n'était pas le plus important. Elle devait tenter de trouver quelqu'un, avec de bonnes intentions si possible. Pas facile. Peut-être que d'autres étaient dans son cas.
Elle se remit donc en marche, plus lentement cette fois, observant avec attention ce qui l'entourait, tentant de mémoriser son chemin - pas facile quand tout se ressemble.
Et puis bientôt un nouveau bruit parvint à ses oreilles. De l'eau qui se fracasse sur des rochers. La mer. Elle se précipita dans cette direction et se retrouva à découvert, au bord de falaises, une jeune fille en face d'elle, un revolver à la ceinture. Urgh.
Elle s'avança, d'un pas hésitant.

"Aeuh... Bonjour."

Ouah, la réplique super intelligente.

[Désolée, ma mère me tanne pour que je déco alors j'ai un peu bâclé la fin.]

F

inalement, la personne en question que j'ai entendu se montre. A vrai dire, elle n'essayait pas de se cacher. C'est moi qui suis stupide. Ce jeu pourri n'est pas encore monté à la tête de tout le monde. Je me détend légèrement en voyant une jeune fille, sans doute un peu plus jeune que moi, s'avancer d'un pas légèrement hésitant, et je retire ma main de ma ceinture. De loin, je ne vois pas trop son visage, mais lorsqu'elle s'approche, elle me semble plutôt jolie. Elle tient un boomerang à la main ... Mon dieu, qu'est-ce qu'elle va foutre avec une arme comme ça.

« Aeuh... Bonjour »

Elle n'a pas l'air de me vouloir du mal, d'ailleurs pour le moment, elle a plutôt l'air larguée. Pas étonnant, en même temps. Eh bien, il me semble finalement que les bonnes armes ne sont pas très courantes ... Je m'en serais presque voulu d'avoir anticipé et d'avoir pris un revolver et un poignard. Quoique, quand on sait se démerder, un boomerang, ça peut toujours servir. Quand on sait s'en servir ...

Je reste un instant perplexe, avant de brusquement reprendre mes esprits.

« Ah, ouais, salut ... »

ma voix ne brille pas par son enthousiasme, inutile de le nier. D'ailleurs, quel genre de crétin pourrait être enthousiaste dans une situation pareille ?

« 'scuse, je suis un peu à cran. »

" Un peu à cran " . Super, pour décrire l'état dans lequel je suis. A vrai dire, je ne vais pas si mal. Mais je reconnais que je me suis stressée pour rien. Quoique, ça aurait pu être n'importe qui, après tout ... Trève de réflexions inutiles. C'est qui, elle ? Sans doute pas un de ces acteurs à la con envoyés par mon père, elle a l'air trop ... Je ne sais pas. Mais elle me paraît sincère. Dans l'histoire, après tout, je suis la seule à mentir et à avoir un double jeu. Et c'est ça qu'on appelle les beaux rôles. Bordel.

Je lorgne d'un coup d'oeil son bommerang. D'une taille respectable, elle le tient le long de son corps, le bras affaissé. Manifestement elle ne comptais pas s'en servir dans l'immédiat. Ce n'est pas moi qui l'attaquerait, naturellement ...

«

C'est l'arme que t'as eue ?

»

Parfaitement stupide comme question. Qui se balladerait avec un boomerang sous le bras, autrement ? Je suppose que j'ai posé cette question, juste histoire de ne pas trahir ce que je sais, ce serait encore la pire des choses qui puissent m'arriver. Si je voulais faire encore plus réaliste, sans doute que je devrais faire semblant de péter de trouille, mais je refuse d'en arriver là. On m'a souvent dit que j'avais un certain orgueil, ce n'est sans doute pas faux ...

Le ton sur lequel je parle est froid. Par repoussant, mais froid. C'est plus fort que moi, ça, par contre. Je ne m'imagine absolument pas y aller tout en douceur et en joie sans que ça sonne faux. Et encore une fois, les deux règles d'or sont de ne pas me trahir et si possible de ne pas m'attacher. J'avoue que pour la deuxième je suis mal partie. Tout à l'heure dans l'entrepôt j'ai aidé une fille, elle semblait terrorisée ... J'imagine que ça n'arrivera pas qu'une fois. Tant pis pour la deuxième règle alors, je me débrouillerais.

Mon regard se trouble un instant, je baisse les yeux. Je me demande ce qui m'est passé par la tête quand je suis venue rejoindre ce jeu. Tout se mélange dans ma tête. Bordel, moi qui croyait pouvoir assuré ... Je me suis trompée, sur tous les points. Je repose mes yeux sur elle. Elle m'a l'air débrouillarde, malgré tout. Ca vaut mieux pour elle, de toute façon.

Ofelia toisait à présent son interlocutrice. Un peu plus âgée qu'elle, un an, deux maximum - mais elle avait toujours été naze pour estimer l'âge des gens. Des cheveux d'une couleur pas commune, une sorte de roux, les yeux bleus. Sans le vouloir, son regard ne peut s'empêcher de s'attarder sur le revolver qu'elle prote à la ceinture. Un revolver... MAIS QU'EST-CE QU'ELLE FOUT AVEC UN REVOLVER ?! Pas de doute. Elle doit être tombée sur une île de barge, genre donnée à bouffer à une horde de cannibales, ou bien un canulard - toujours possible - qui fait bien marrer tout le monde, sauf elle.
L'autre lui répond. Pas l'air très joyeuse. En même temps vu le cadre dans lequel se déroule la conversation... Elle est peut être de la partie, remarque. Enfin, dans le même cas qu'elle. Ca serait cool. Au moins, si c'était ça, Ofelia n'était pas seule.

"C'est l'arme que t'as eue ? "

Elle désigne le boomerang qu'Ofelia tient. L'arme qu'elle a eue... Ca veut dire quoi? Qu'on file une arme à chaque personne qui se retrouve ici? C'est déjà pas si mal. Le flingue doit être son lot. La veinarde, elle a un truc efficace au moins... A condition de ne pas gaspiller inutilement toutes les munitions. Au moins le boomerang, ça dure, à moins qu'on le paume, le casse ou le coince dans un arbre. Soyons positifs. Ofelia n'a jamais touché à un de ces trucs auparavant. Autant le dire, elle est dans la merde. Il est temps de faire appel à son super sens de l'adaptation. Le seul problème: elle n'en a jamais eu, de sens de l'adaptation. Mais bon, après s'être retrouvée à la rue en un rien de temps, elle doit pouvoir faire face à une situation comme celle-ci. enfin, espérons-le.

"Ce truc là?"

Elle lève son boomerang, le tenant à bout de bras, l'observant comme si c'était un crâne d'alien fraîchement arraché - morbide je sais.

"J'en sais rien, je l'ai trouvé en me réveillant dans une sorte d'entrepôt par là-bas."

Ce faisant, elle désigne d'un signe de tête la direction d'où elle vient. Puis, montrant du doigt le revolver de la jeune fille:

"Et ça c'est la tienne?"

A bien y réfléchir, cette fille n'avait pas l'air aussi paumée qu'elle dans tout ce bazar. Elle semblait en savoir plus. Elle était p'têtre dans le coup o_o
Voilà qu'elle se mettait à devenir paranoïaque. Autant se reprendre tout de suite. Mh. Par où commencer? Ah. Le nom. Si on s'adresse à quelqu'un, autant savoir comment il s'appelle.
Elle fit de nouveau un pas de plus, sans s'en apercevoir.

"Je m'appelle Ofelia. Toi?"

Lorsque je lui demande si c'est son arme - bien que ce soit une question totalement stupide, je connais parfaitement la réponse sans l'avoir demandée - , elle reste perplexe quelques instants, regarde son boomerang. Visibilement, elle ne sait pas s'en servir, sans doute n'en a-t-elle jamais manipulé, vu le regard qu'elle porte dessus, comme si c'était un objet incroyablement complexe dont il fallait comprendre le fonctionnement.

«

Ce truc là? »

J'acquiesce d'un signe de tête, quoi que je me doute que ce soit potentiellement inutile. De quoi pourrai-je parler, sinon ça.

« J'en sais rien, je l'ai trouvé en me réveillant dans une sorte d'entrepôt par là-bas. »

L'entrepôt B, évidemment. A ce que je sache, tout le monde sans exception a démaré là-bas. Quoique, sans doute que quelques acteurs ont été lâchés dans la nature. Et les Virtuels, aussi, évidemment. D'ailleurs, je ne suis pas pressée d'en rencontrer un. Quant à la jeune fille, elle a certainement dû se rendre compte qu'il y avait une centaine de personnes dans ce même entrepôt, non ? M'enfin. Histoire de feindre l'ignorance, je laisse un regard légèrement surpris planer sur mon visage.

« Un entrepôt, tu dis ? Moi aussi je me suis réveillée dans un machin du genre ... »

Je fais mine d'hésiter quelques instants. Même si le mensonge ne me réjouis pas, c'est pas si dur.

« Dans ce cas, on s'est tous réveillés là, j'imagine ... »

Je ne dis rien pendant quelques instants puis je hausse les épaules, comme si ça m'était égal. D'ailleurs, inutile de cacher que ce n'est pas ce qui m'importe le plus dans toute cette histoire. L'entrepôt B et les heures d'attente ne seront sans doute bientôt plus qu'un vieux souvenir. Désagréable, mais sans doute pas autant que ce qui va suivre. Je n'ai toujours aucune idée de le façon dont va se dérouler le jeu, mais j'imagine que ça ne va pas être marrant à vivre ...

La jeune fille montre le revolver à ma ceinture. Eh merde, j'l'ai pas assez bien planquée. Je me trimballe avec un revolver, et qui plus est, je pense que j'ai l'air de garder mon sang froid, ça doit faire louche ... M'enfin, je ne pense pas que quiconque soit en mesure de deviner l'espèce de folie meurtière dont ils sont les acteurs principaux, sans le savoir bien entendu. Je fais mine de regarder ma ceinture et de me rendre compte de la présence du revolver.

« Oh ... Oui, moi j'ai eu ça. »

J'attend à nouveau quelques instants avant d'ajouter, le regard bas, comme si je regrettais quelque chose :

« Tout à l'heure, dans l'entrepôt, quand je me suis réveillée, j'ai un peu parlé avec des gens. Yavait une fille avec une guitare électrique, un type avec un scalpel... On dirait qu'on a tous une arme, en fait. »

Personnellement, j'ai l'impression d'être convaincante, même si ça me fait royalement chier de mentir à tout bout de champ. Finalement, tout savoir, ça n'a pas que des avantages. M'enfin, je n'ai pas le choix et je le sais très bien, pas moyen de me questionner là-dessus. Inutile de douter que si je dis quoi que ce soit, on me retrouvera le lendemain morte par terre, assassinée par un des tueurs sur place que mon père a ameuté sur l'île pour les "joueurs gênants" . Et je n'ai pas l'intention de finir ainsi.

Je suis partagée entre la résignation, la colère et le trouble. Du moins, c'est l'impression que je donne, bien entendu. Cette affreuse impression d'être un personnage me colle à la peau, mais je l'ignore, du moins tant que je peux. Finalement la jeune fille se présente à moi. Tiens, c'est vrai, je ne lui ai même pas demandé comment elle s'appelait .

« Je m'appelle Ofelia. Toi ? »

Je la fixe une seconde ou deux, avant de répondre d'une voix aussi neutre que possible - sans doute un peu froide, par la même occasion :

« Lili. »

« Un entrepôt, tu dis ? Moi aussi je me suis réveillée dans un machin du genre ... »

Mh. Alors elle semblait bien être dans la même situation. A moins qu'elle joue la comédie, mais elle avait vraiment l'air sincère. Et puis, Ofelia avait été élevée de sorte à accorder sa confiance assez facilement, ce qui pouvait s'avérer comme étant fatal dans certaines situations.

De plus, il semblerait qu'ils soient plusieurs sur l'île. Un grand nombre. Ce qui était surprenant, étant donné qu'elle n'avait vu personne. Erf, quelle gaffeuse. Incapable de faire attention à ce qui l'entoure. Enfin, elle s'estimait encore heureuse d'avoir trouvé son boomerang. Douée comme elle était, elle pouvait partir en le laissant là-bas... Et là ça risquait d'être vraiment problématique

Par la suite, l'inconnue confirme qu'elle a bien eu un revolver en guise d'arme. Chier, pourquoi elle elle devait se coltiner un truc dont elle était même pas foutue de se servir? Dans d'autres situations elle aurait trouvé ça marrant et aurait été heureuse de l'avoir, son super boomerang, mais là, quitte à être armée, autant avoir un revolver ou même un bazooka... Naon, le bazooka c'est trop voyant. Et encombrant. Le revolver c'était parfait.

« Tout à l'heure, dans l'entrepôt, quand je me suis réveillée, j'ai un peu parlé avec des gens. Y avait une fille avec une guitare électrique, un type avec un scalpel... On dirait qu'on a tous une arme, en fait. »

Merde, elle les avait vraiment tous loupés. Enfin. Une guitare électrique. Cette phrase ne put l'empêcher d'esquisser un petit sourire. Ca pouvait être dégeulasse pour la fille en question, mais se coltiner une guitare électrique comme arme... Si au moins elle savait en jouer, ce qui n'était pas sûr, ça aurait pu être mieux. avec des amplis et de l'électricité. Enfin, une guitare électrique, on peut toujours s'en servir pour assomer quelqu'un en la lui éclatant sur la tête. C'était du gaspillage quand même. Et valait mieux qu'elle soit solide. Quelle marque? Hum... Là, Ofelia commençait un peu trop à divaguer.
Un scalpel. Ca aussi c'était pas mal. Ca peut être pratique. Mais UN SEUL scalpel ça devenait déjà plus dur. Enfin, c'est dangereux un scalpel. Mais attention à pas le perdre. D'ailleurs, la guitare c'était encombrant. Mais c'est que finalement, elle était bien contente d'avoir son petit boomerang. Enfin, petit...

Finalement, la fille lui dit son nom. Lili... Joli, comme nom.

"Enchantée..."

Une question tournait en rond - si l'on put le formuler ainsi - dans sa tête depuis qu'elle s'était réveillée. D'ailleurs, là qu'elle y pensait, sa migraine était passée. Tant mieux.
Ofelia se racla légèrement la gorge. Un goût de fer restait présent dans sa bouche. C'était franchement désagréable. Un arrière-goût de sang. Beurk. Elle releva la tête, fixant droit dans les yeux Lili.

"Sais-tu où nous sommes? Et pourquoi?"

[EDIT: Oh, une réponse à mon topic de l'entrepôt... bon ben finalement elle aura vu quelqu'un <<]

T

andis qu'elle sombre dans ses pensées suite à notre rapide conversation, je sombre dans les miennes. Les gens que j'ai vus à l'entrepôt ont suffit à bouleverser totalement ma vision des choses. Et j'avais beau penser que j'étais privilégiée en raison de mes deux armes et surtout de ma connaissance de cette galère, je suis dans la même merde. Je pousse un léger soupir. Tout ça me dépasse, c'est tout. Et moi qui ai voulu jouer au plus malin. Cette fois , je me suis bien fait avoir, je suis peut-être orgueilleuse mais pas mauvaise perdante. Je m'imagine mentalement la scène. Moi, serrant la main de ce cher Mr le destin. Ca en serait presque comique, d'ailleurs.

« Enchantée... »

Une sorte de sourire s'esquisse sur mon visage. Je dis bien une sorte, je n'ai aucune idée de ce que cela donne extérieurement. Ca doit être potable, quand même. Surtout que cette fois, c'est sincère. Quoi que j'en dise, ça ne m'est plus égal que des gens crèvent dans tous les sens, et l'idée qu'Ofelia pourrait subir le même sort me glace déjà le sang. De même pour moi, d'ailleurs.

« De même ... »

Bordel, je n'y perdrais pas à être un peu plus expressive, pas de doute. M'enfin, je suppose qu'on ne peut pas m'en vouloir. Je n'arriverais pas à relativiser cette fois. J'ai une brusque envie de tout dire. De tout dire à Ofelia, de tout dire à Nanashi, la fille que j'ai rencontré à l'entrepôt, et qui semblait tellement perdue ... Mon visage se crispe, mon regard se fait farouche. C'est la dernière belle connerie que j'aurais fait de ma vie, si je le disais. Heureusement, il me reste encore un peu de raison. Du moins, je suppose. Et si la raison est inutile ici, elle m'aide à me tenir tête à moi-même.

Un coup de feu retentit, au loin. Je ne frissonne pas, je sais que ce sera quotidien, à partir de maintenant. Combien de personnes sont mortes depuis le début de la partie ? J'aimerais bien le savoir. Une, dix, vingt, cinquante ? ... merde, je dois pas penser à ça. Tout se mélange dans mon esprit, moi qui était si stable et ordonnée il n'y a pas une journée. Même chez moi, il a réussi à tout foutre en l'air, cet enfoiré.

« Sais-tu où nous sommes? Et pourquoi? »

Evidemment. Question inévitable. On l'entendra et on la ré-entendra, celle là, et c'est la plus légitime après tout. Mon regard se tourne vers le sien, puis se perd à nouveau dans la mer et les rochers qui la bordent.

« Une île, à ce que je vois. C'est tout. »

Je me mords les lèvres.

«

Je n'ai aucune idée de ce que je fous ici, pas plus que toi.

»

Je reste quelques instants sans rien dire, le dos tourné, face à la mer, regardant les vagues lourdes en écume se briser contre les falaises et les rochers tranchants. Si quelqu'un tombe d'ici, il est foutu. Les rochers sont acérés et tranchants, et la mer n'aura de cesse que de l'y pousser. Je me demande pourquoi je pense à ça. En tout cas, je m'en souviendrais, je n'ai pas envie de crever comme ça.

D'ailleurs, je n'ai pas envie de crever tout court.

« Par contre, je sais qu'on est dans la merde, et ça, ya pas cinquante solutions pour s'en sortir. »

Mes propos sont lourds de sous-entendus. Tant pis. Je me retourne à nouveau vers elle.

« Tu sais te servir de ce machin ? »

dis-je en accompagnant mes paroles d'un signe de tête vers le boomerang.

« De même ... »

Ofelia eut un petit sourire. Cette fille n'avait pas l'air très bavarde, mais elle était tout de même assez sympathique.

C'est alors qu'il y eut un coup de feu, dieu sait où. En entendant ça elle ne put s'empêcher de sursauter et de se tourner rapidement vers ce qu'elle pensait être la direction d'où il provenait. L'air contrarié. Elle n'allait tout de même pas se laisser tomber par terre dans un "Kyaaaa"" majestueux, se prenant la tête dans les mains au passage. Non, Ofelia n'était pas comme ça. Elle n'était pas ce genre de fille à s'émouvoir pour un rien. Ofelia savait se faire mature, sérieuse et forte. Mais il fallait bien qu'elle l'avoue: là, elle était au bord des larmes. sans vraiment savoir pourquoi. Elles voulaient couler toutes seules. C'était horrible comme situation. Ils organisaient quoi, une grande chasse? Mais merde, c'était quoi tout ça? Rah, elle aurait dû rester chez elle ce jour-là... En pensant à ça, elle ne put s'empêcher de pousser un profond soupir agrémenté d'un léger gémissement. Désespéré. De détresse.

Selon ses dires, Lili était aussi larguée qu'elle quant à leur localisation exacte et les motifs de cet embarquement. Mouais... C'était normal. Comme si elle pouvait tomber du premier coup sur quelqu'un qui était au courant de tout. S'il y avait quelqu'un qui savait tout, ici. A vrai dire, elle aurait aimé que Lili soit au courant. Ca l'aurait soulagée.

« Par contre, je sais qu'on est dans la merde, et ça, ya pas cinquante solutions pour s'en sortir. »

Ca c'était évident. Et elle voulait dégager d'ici aussi vite que possible. Ravalant les larmes qui tentaient tant bien que mal de se montrer, elle acquiesça brièvement de la tête, baissant les yeux. C'était peut être qu'un cauchemar après tout. Non. C'était trop réaliste pour en être un. quand on fait un cauchemar, quelque part au fond de nous on sait que ce n'est pas vrai. Que l'on est dans un mauvais rêve. Et là, elle savait que c'était la réalité. Et merde, mais pourquoi elle? Elle avait quelque chose de spécial, à part une poisse monumentale? Les gens qui étaient amenés ici avaient-ils quelque chose de spécial, genre des pouvoirs paranormaux enfouis en eux à leur insu? Ou alors on les prenait comme ça au pif dans la rue? Elle aurait préféré l'option super pouvoirs. Mais elle n'avait vraiment pas l'impression que c'était ça...

« Tu sais te servir de ce machin ? »

La phrase de Lili la sortie de ses pensées. Elle regarda le boomerang avec la tête de la fille au comble du désespoir, et le secoua légèrement, le tenant du bout des doigts.

"Si seulement."

Puis elle tourna la tête vers Lili.

"Et toi?"

Lorsque je lui retourne sa formule de politesse - enfin, plus ou moins - , elle a un petit sourire. Certaines filles sont mignonnes quand elles sourient. Elle aussi. Mais d'ailleurs, je ne sais pas pourquoi je pense à ça moi >< Quoique, c'est légitime de chercher un peu de beauté qu'on on atterit dans ce jeu de tarés. Enfin bref. Le tout est qu'elle a l'air contente. ( Contente est un bien grand mot, certes )

Le coup de feu retentit. Outre ma réaction, je constate qu'elle en a presque les larmes aux yeux. Cela m'arrache une moue dubitative. Cela se reproduira sans doute encore un nombre incalculable de fois, et j'espère pour elle que cela ne lui procurera pas une telle émotion à chaque fois. L'émotion, en fin de compte, est plutôt à banir, si l'on veut espérer avoir toutes les chances de survivre. Mais ça, c'est pas une nouveauté.

Je lui demande si elle sait se servir de son boomerang.

« Si seulement. »

Prévisible, à vrai dire. Non seulement mon père a eu l'humour de nous refiler des armes de merde dans le genre - et encore, je n'ai pas à me plaindre - , mais en plus il n'a pas pris le soin de savoir si elles étaient praticables peur leur propriétaire ou pas. Encore une fois, il assure sur tous les points, comme à son habitude. Je commence à me demander si elles ont réellement été distribuées de façon aléatoires. Il est bien du genre à calculer quel genre d'arme fera le plus chier celui qui la portera. Mais pour des centaines de personnes, c'est sans doute un peu excessif. Tant pis, je trouverais une autre façon de déverser ma colère sur lui. Elles ne manquent pas, de toutes façons.

« Et toi? »

Elle me parle bien du boomerang ? ... Tiens, la question ne m'est pas venue à l'esprit. Il me semble que j'en ai déjà fait, je ne sais plus quand ni pourquoi. Sans doute à la fête de mon école, quand j'étais gamine, quelque chose comme ça. En tous les cas, je ne me sens absolument pas de lancer ce truc, je risque de faire des blessés ( involontairement, cela va de soi. )

« Je crois savoir comment il faut le lancer, mais ne compte pas sur moi pour essayer »

Le mieux serait encore qu'elle essaye elle-même, on verrait bien. Je me promet intérieurement d'être vigilante si elle le lance, et de m'aplatir sur le sol au besoin, sait-on jamais, ces engins là, quand on n'y connait rien, c'est pas bénéfique, surtout pour celui qui lance. J'affiche une moue perplexe. Je pourrais aussi bien ignorer royalement Ofelia - après tout, j'ai une arme convenable - et tracer mon chemin. Mais j'en suis bien incapable, et de plus je n'ai aucune envie de faire ça.

Une musique me trotte dans la tête. Une musique qui irait étrangement bien avec l'ambiance teintée de cynisme de cet endroit, d'ailleurs. Super, je vais me trimballer avec ça dans la tête pendant tout le jeu, je sens. Ca ne va pas arranger les choses. Mais de toutes façons, au point où on en est ... Je me sens soudain envahie par une soudaine bonne humeur. "Mieux vaut en rire que d'en pleurer" , et je trouve ça drôles, 5oo cons qui se retrouvent échoués sur une île. Fini l'appitoiement, on se défend s'il vous plait.

« Je crois savoir comment il faut le lancer, mais ne compte pas sur moi pour essayer »

Ouais. Le lancer ne doit pas être bien difficile. Enfin, il doit falloir un certain angle et une certaine force, bien doser et le tour est joué. Mais le problème vient après, pour réussir à le rattraper sans se faire décapiter avec - décapiter est certes un peu excessif mais on ne sait jamais à quoi s'attendre quand on utilise certains objets - et à anticiper l'endroit où il va revenir. Parce que ça serait sans doute trop simple si il revenait pile à l'endroit d'où on l'a lancé. Quoi qu'avec un tant soit peu d'expérience et de pratique ça pourrait peut être se faire.
Sur ces pensées, Ofelia se promit de trouver un grand coin à découvert - wouhou, on va pouvoir lui tirer dessus sans problèmes comme ça - pour le tester. Et s'entraîner.

Une chose la tracasse toujours. Pourquoi un coup de feu. C'était peut être quelqu'un qui chassait, en ayant eu la chance de recevoir une arme à feu en guise de cadeau. Enfin, elle se plaît à s'imaginer que c'est ça, l'origine. Parce que si les "participants" se mettent à s'entretuer, ça risque de pas le faire. C'est peut être ça le but? Tout le monde se tue et le grand gagnant reçoit un super prix. Ou rien du tout. On le bute lui aussi, ou on le ramène chez lui. Mystère.
Il est toutefois possible de survivre, la tâche étant facilitée par l'existence de ces armes. On leur a bien donné pour une bonne raison. Enfin, une guitare électrique pour chasser le cerf, c'est pas le top. Mais pour tuer quelqu'un non plus.

Elle secoue la tête, chassant de la sorte ces pensées lugubres qui l'envahissent peu à peu. Ca lui rappelle tous les films d'horreur qu'elle aimait tant regarder avant. Avant de se retrouver ici. Voir un gars se faire arracher la tête par un zombie, ça la faisait marrer. Ou même une chasse à l'homme. Mais étrangement, le fait de repenser à ces scènes qu'elle trouvait tordantes il y a encore peu ne la fait plus rire du tout. Ca lui donne plutôt la gerbe, honnêtement. Aussi, on va aussi éviter de repenser à ça. Allez. Un truc positif. Des piafs. Plein de petits piou-pious qui volent et gazouillent. Un coup de feu et ils explosent. Grmbl. Impossible de ne pas avoir de pensée morbide dans un moment pareil. Shit.

Ofelia reporte alors son attention sur l'horizon. L'océan - la mer ? - à perte de vue, rien d'autre. Même pas l'esquisse d'une île, d'un continent. ien. Que dalle, nada. Ils sont vraiment perdus au milieu de la flotte. Ou alors ils sont bien sur un continent, mais du mauvais côté, vers la mer. C'est peu probable. Non, impossible. Erff.
Elle reste silencieuse, fixant sans les voir les remous de l'eau sombre. Terriblement sombre. Ne sachant que dire. Ne sachant que penser de tout ça. Peut-être que le mieux à faire, c'est de se suicider. Hey, prête-moi ton flingue teuplay. Se jeter du haut des falaises. Ca doit être efficace ça aussi. Ouais. Mais ça serait trop lâche. Allez, ça peut être marrant après tout. Des vacances version survival et hyper sportives en plus. A vrai dire, elle préfère encore trimer au travail.

Une chose est sure. Elle veut déguerpir d'ici, et aussi vite que possible. Mais si elle parvient à la quitter, cette île. Comment rejoindra-t-elle la côte? Et où se retrouvera-t-elle? A des milliers de kilomètres de son pays natal? De toute forme de vie? Mieux vaut ne pas y penser, et pourtant, il faut tout prévoir. En tout cas, si elle veut se barrer, il faut pas qu'elle soit toute seule pour l'opération. Ca serait du suicide sinon.

"Mff... Ca me prend déjà la tête..."

Elle avait plus parlé pour elle-même qu'autre chose, mais tant pis. Au moins, ça alimente la conversation.

J

'aimerais bien la voir à l'oeuvre, avec sa fameuse arme. Evidemment, quand on voit les armes desquelles j'ai hérité, il y a de quoi se demander "pourquoi une répartition si inégale ?" , bien que dans mon cas, ce ne soit pas vraiment le fruit du hasard. J'imagine qu'elle va chercher un endroit à peu près aproprié et chercher à manipuler son boomerang, c'est vrai que c'est pas évident, comme arme.

« Mff... Ca me prend déjà la tête... »

Et t'en es pas encore sortie, ma vieille. Mais c'est pas moi qui va t'annoncer ça, tu t'en rendras compte bien assez tôt, de toutes façons. Je me contente de pousser un soupir, en guise de réponse, avant que mes yeux ne se posent sur les vagues bruissantes qui viennent se fracasser contre les falaises. Même cet endroit n'a rien que l'on pourrait qualifier de "beau" . Un paysage naturel tel quel, la mer, les vagues, tout ça m'aurait émerveillée autrefois, moi qui avait si peu de temps pour contempler ce genre de choses. Mais ce spectacle d'érosion et de marée n'a plus rien d'appréciable. C'est gris, terne, fade. Une première étape de destruction, rien d'autre. Quel intérêt à avoir un beau paysage, de toutes façons, puisque tout lieu sera bientôt tâché de sang. Et je ne dis pas ça par plaisir.

Une mélodie me vient tout naturellement à l'esprit. Pour peu, je me mettrais presque à la fredonner. Mais je crais que ce ne soit pas particulièrement le moment. Pourtant ce décor déchiqueté m'inspire. Je me retourne vers Ofelia, le regard inexpressif, et lorgne son boomerang quelques instants.

« Eh benh, au point où on en est, pourquoi tu t'entraînerais pas maintenant ? »

Je désigne d'un signe de tête les alentours.

« Ya personne pour le moment, et largement assez d'espace. »

J'ai surtout hâte de voir comment elle se débrouille. Et mieux vaut apprendre le plus tôt possible à manipuler son arme, ça vaut mieux pour elle il me semble. Je ne sais pas quand elle s'en servira pour la première fois, mais ça risque fort d'être plus tôt que prévu. Le but de ce jeu est de surprendre les joueurs, après tout, ça amusera ces putains de spectacteurs. Dans mon cas, il me semble être assez entraînée, bien que je doute que mes compétences acquises suffisent.

Lili observait à présent la mer, l'air on ne peut plus pensive. Ofelia se demandait d'un côté ce que ce bazar pouvait bien lui inspirer, elle qui avait l'air de beaucoup mieux le prendre. Elle semblait plus calme, voire même légèrement indifférente. Enfin, ce n'était peut-être qu'une impression.
Elle lui proposa ensuite de tester son boomerang. Ofelia lui jeta un regard perplexe. La seule fois où elle avait essayé, même si elle l'avait vraiment lancé n'importe comment - pour voir si, au moins, il revenait ? - l'objet s'était lamentablement écrasé par terre, plus loin. Et en plus elle avait du retourner le chercher. Grmbl.
Elle soupira. Après tout, qui ne tente rien n'a rien. Et qui sait, peut-être que dans quelques semaines elle serait un as du boomerang. Mouais, c'est beau de rêver.

"Je veux bien essayer..."

Elle leva la main, fixant son arme un moment, puis regarda autour d'elle.

"Mais ici je sais pas. Je serais vraiment dans la merde si il tombe à l'eau. Je me vois mal aller le chercher."

D'autant plus que si c'était le cas, avec ces vagues, il aurait tantôt fait de disparaître, englouti par les vagues. C'était même pas sûr qu'il flotte. Et en admettant qu'elle réussisse à descendre les falaises - allez, quoi, une chance sur un petit million ? - elle risquait:
- De se noyer - elle savait très bien nager mais au vu de l'état dans lequel la mer se trouvait elle ferait pas long feu ;
- De se fracasser contre la paroi rocheuse à cause d'une vague ;
- De se retrouver entraînée au large, et donc de se noyer, encore ;
- De ne pas retrouver son boomerang.

Et en plus, elle serait sûrement incapable de remonter par la suite. Avec un boomerang en main qui plus est. Non, le tester ici se résumerait à une simple tentative de suicide.

[Aucune inspiration, désolée.]

S

ans doute vaut-il mieux pour elle tester son arme dès à présent, qui sait à quel point elle en aurait besoin par la suite ... Je me surprend moi même à penser à ce qui était le mieux pour elle. Depuis quand ai-je ce droit ? C'est complètement absurde, j'espère que ce n'est pas le fait que je suis au courant de toute l'histoire de A à Z qui me monte à la tête. C'est déjà assez pénible comme ça, s'il faut en plus que je commence à me croire tout permis ... Très mauvaise habitude, d'ailleurs, j'en ai déjà plusieurs fois fait l'expérience, aucune envie de recommencer à l'horizon.

Elle semble hésiter quelques instants.

« Je veux bien essayer... »

Je me contente d'acquiescer d'un léger signe de tête, histoire de dire que j'approuve ce choix. Tant qu'à avoir une arme et devoir s'en servir, autant s'entraîner, qui plus est tant qu'il n'y a rien de trop dangereux par ici ça devrait être fun. A moins que le boomerang ne lui revienne en pleine face. C'est une possibilité, mais je doute fort qu'elle soit assez stupide pour le lancer mal à ce point. De toutes façons, la question ne se pose pas, elle n'a pas encore essayé. J'ai hâte de voir comment elle se débrouille, sans doute mon père a-t-il tout de même prit le soin de prendre des personnes un minimum douées ? On verra bien.

« Mais ici je sais pas. Je serais vraiment dans la merde si il tombe à l'eau. Je me vois mal aller le chercher »

Je hausse légèrement les épaules. Pour moi, ce terrain accidenté n'est pas un problème, loin de là. On pourrait même le tourner à notre avantage avec un minimum de savoir faire. Nôtre ? ... Voilà que je parle pour elle maintenant. Je m'inflige une claque mentale.

« Ce n'est pas un problème, il suffit de reculer un peu. Et puis, en théorie, même si tu le lance vers la mer, il revient vers toi. »

Je m'arrête un instant avant de reprendre .

« En théorie ... »

Je ne préfère pas m'avancer avec ce genre de machins. Les flingues, ça me connait, mais ça, certainement pas. C'est l'occasion de me familiariser avec la chose, d'ailleurs, comme qui dirait, même si j'avoue que l'envie n'en est pas pressante pour autant. Bah, après tout, qu'elle essaye, bordel, je verrais bien. Et puis, mine de rien, un boomerang, c'est efficace, quand on sait le manier. Du moins, je suppose, on ne lui aurait pas distribué autrement.

Je lui montre d'un signe de tête le large terrain qui s'étend derrière nous, avec quelques touffes d'herbe jaunâtre, quelques cailloux, quelques bosses, mais rien de relativement problématique, sincèrement. Un parfait endroit pour s'entraîner, comme je le décide à l'instant pour moi-même. Je vérifierais bien la portée de tir de mon revolver sur une des bosses par là-bas mais ce n'est pas le moment de montrer que je sais bien manier l'arme, ça semblerait louche. D'ailleurs, je n'ai pas de munitions à gaspiller, je ne connais pas encore l'île et même si je sais qu'il existe un entrepôt - assez bien caché, certes - où l'on peut se réaprovisionner, il ne fait aucun doute que j'aurais besoin de l'arme avant.

« Lance-le dans cette direction, tu veux ? »

De cette façon, aucun risque qu'il aille dans la mer rejoindre les vagues qui s'écrasent contre les rochers en contrebas. Quoique. Tout dépend.

« ... Et fait gaffe de le rattraper. »

Simple suggestion, après tout. Je fixe son arme d'un air grave, hâtive de voir comment elle se débrouille.

« Ce n'est pas un problème, il suffit de reculer un peu. Et puis, en théorie, même si tu le lance vers la mer, il revient vers toi. En théorie ... »

Ofelia la regarda d'un air perplexe. Ouais, c'était vrai, mais il y avait un certain écart entre la théorie et la pratique. Un énorme écart plutôt. C'était pas parce qu'on savait comment faire un Ollie en skateboard qu'on y arrivait pour autant. L'exemple était un peu mal choisi, mais c'était du pareil au même.

Lili lui montra alors l'étendue déserte qui s'offrait à elles.

« Lance-le dans cette direction, tu veux ? Et fait gaffe de le rattraper. »

Ofelia acquiesça, et empoigna fermement son arme, fronçant les sourcils. Une pointe d'angoisse se faisait ressentir. Elle ramena son bras derrière elle, fixant l'herbe sèche qui s'étendait loin à ses pieds. Et, au moment où elle allait enfin le balancer, son boomerang, elle s'arrêta. Mh. Trop risqué.
Sans un mot, elle courut plus loin - pas trop quand même hein - où elle pourrait s'essayer à l'art de manier le boomerang avec moins de risques. Même s'ils étaient toujours présents.
Après avoir bien vérifié qu'il n'y ait aucun obstacle pour la déranger, elle se remit en position de lancer - elle n'était pas experte bien entendu, n'avait même jamais touché de pareil objet de sa vie, mais cette pose lui semblait adéquate - et le jeta brusquement aussi fort qu'elle le pouvait, tentant tant bien que mal d'incliner le boomerang comme il le fallait. Ce dernier vola loin, loin, et commença à faire demi-tour, perdant légèrement de l'altitude. Pour l'instant, ça semblait pas trop mauvais. Une douleur lui traversa l'épaule. Faut dire qu'elle avait tellement bourriné sur ce coup-là qu'elle se demandait comment son bras n'était pas parti avec. Le boomerang arrivait à présent dans sa direction, mais, oh rage, oh désespoir, il piqua soudainement du nez et chuta lamentablement, se heurtant au sable sec et terne ed l'endroit. Et merde. Elle se massa un instant l'épaule, le temps que ça passe - et ce fut rapide - et marcha en direction de son arme pour la récupérer. Echec cuisant.
Elle l'attrapa et jeta un regard affligé à Lili.

"J'y ai cru l'espace d'un instant."

En même temps, ç'aurait été étonnant qu'elle réussisse du premier coup. Mais ce test lui donnait vraiment l'envie de recommencer. Ca allait lui faire passer le temps au moins. On devait finir par s'ennuyer ici, quand on était pas occupé à chasser ou chercher un abri. Elle retourna donc à l'endroit où elle s'était positionnée pour lancer quelques minutes auparavant et retenta l'expérience, qui fut tout aussi infructueuse que la première, quoi qu'il lui semblait qu'elle s'était mieux débrouillée sur ce coup-là. Elle recommença encore et encore, jusqu'à ce que, oh miracle, il lui revienne enfin dans la main. Enfin, en le rattrapant, elle avait bien cru qu'il allait la lui arracher, sa main. Ouach, c'était puissant ces trucs. Vallait mieux faire gaffe.
Heureuse de sa réussite, elle le relança, se disant que maintenant, ça devait venir tout seul. Grossière erreur, car ce fut là son plus mauvais lancer. Elle fixa l'objet lorsqu'il tomba plus loin.

"Merde."

HJ

Elle a l'air perplexe. Qui ne le serait pas, en même temps ? Je n'ai pas le temps de m'interroger sur ce genre de quesitos existentielles qu'elle se retourne déjà, fait quelque pas afin de s'éloigner des falaises déchiquetée. Son regard passe de son "arme" à l'immense ciel gris, j'ai hâte de voir comment elle va se démerder, bien que je ne doute pas qu'elle soit débrouillarde. Elle m'en a tout l'air, et à priori, je ne me trome pas pour ces choses là, au moins. A priori. Elle empoigne fermement son arme, et semble défier l'immensité grisâtre. Et puis elle tire.
« ... Pas mal ? »

Mon ton est incertain, je ne préfère pas m'avancer. Après tout je ne m'y connais pas plus qu'elle, avec ce machin. N'empêche, ce qu'elle a tiré fort. J'y connais rien, mais je suppose qu'avec un peu plus de pratique et de maîtrise, elle parviendra à contrôler la direction dans laquelle elle envoie. Et surtout, le retour de l'objet. Elle ne se dégonfle pas, réessaye maintes et maintes fois, jusqu'à ce que le boomerang lui revienne droit dans la main.
« Tu te démerdes bien. »

Un simple commentaire, que je n'aurais peut-être pas du faire d'ailleurs. Bordel, moi qui m'étais juré de ne pas jouer les sympathiques ou quoi que ce soit. Il faut croire que ce jeu pourri m'inspire un certain respect envers les autres. Ils sont dans la même merde que moi, ça suffit, comme raison ? Pas le temps de passer des heures à réfléchir à mes conflits mentaux. Elle a réussi, c'est tout ce qui compte pour le moment. Malgré moi, j'espère qu'elle n'aura pas à s'en servir avant un petit bout de temps. Encore que, je n'en sais rien.

« Au fait ... »

Je laisse un instant de silence.
« T'étais où, avant d'atterir ici, toi ? »

Je me rends compte soudainement de la stupidité de ma question. Tout d'abord, il n'est pas dit qu'elle veuille me répondre. Certaines personnes s'accrochent à leurs souvenirs bien plus fort qu'on ne le croit, surtout dans ce genre de situations. Et puis dans le cas où elle me retournerait la question, il va encore une fois me falloir mentir. Je finirais sans doute par m'habituer. Mais je n'aime pas ça, mentir. Pas dans ce genre de contexte. M'enfin. Qui voudrait entendre, et surtout qui voudrait croire que je suis la fille du créateur de ce jeu pourri ? J'imagine les réactions. Certaines voudraient sans doute me tuer. Je commence d'entrée à me préparer une autre identité, une histoire, des caractéristiques, au cas où .

Cela dit, j'avoue que je suis tout de même curieuse de savoir d'où elle vient, et ce qu'elle a vécu. La vie de n'importe quelle personne prend de l'importance, ici. Quand elle est fragile, on la trouve soudainement beaucoup plus intéressante. Curieux paradoxe. Mais ça me va.

[T'inquiète, je te pardonne, j'avais même pas vu ta réponse u_u]

Ofelia avait esquissé un léger sourire en entendant le commentaire de Lili. Mais c'était pas la joie. Elle avait certes réussi son coup une fois, mais c'était quoi, un coup de bol, allez. Les chances qu'elle avait de réussir son lancer étaient infimes, là elle s'était bien démerdée, cool. Mais à coup sûr au moment où elle en aurait réellement besoin elle foirerait tout. Et se ferait trucider sur place par la chose - la personne ? - contre qui elle voulait s'en servir. Damned. Elle devrait s'entraîner durement pour pouvoir réussir à quelque chose. Quand on veut, on peut. Ouais, bien sûr. Encore un proverbe, un dicton, une expression à la con qui servait à que dalle. Qui était fausse. elle aurait voulu être capable de voler dans le ciel. Elle voulait dégager de cette île pourrie et revenir à son train-train quotidien, habituel, monotone et terriblement lassant. Ah, ce qu'elle avait pu s'emmerde dans le passé. Elle s'en plaignait, même. Elle n'avait aucunement conscience de la chance qu'elle avait. Adieu les journées de glande. Quand on veut, on peut. Peut-être, mais pour l'instant elle était clouée ici sans rien pouvoir faire. Sans la moindre idée sur ce qu'elle pouvait faire pour dégager. Elle voulait partir. Elle ne le pouvait pas. A part par le moyen le plus lâche qui soit, le suicide, okay, mais non merci, pas de ça avec elle. Autant vivre l'aventure jusqu'au bout, huhu.

Elle regarda sa main droite, serrant le boomerang jusqu'à ce que ses articulations pâlissent. Elle tremblait. De rage, de peur ? De désespoir ? Même pas, c'est juste parce qu'elle serrait un peu trop fort son arme. Enfin, c'était ce dont elle tentait de se persuader.
Lili la tira alors de sa rêverie.

« Au fait ... »

Ofelia releva la tête, observant son amie - enfin, elle la connaissait depuis même pas une heure, alors "amie" ne correspondait sûrement pas à la situation, elle n'était même pas son amie après tout, juste une fille qu'elle trouvait sympathique - avec de grands yeux. La tête de la personne qui retombe lourdement sur terre.

« T'étais où, avant d'atterrir ici, toi ? »

Ofelia laisse un temps de silence. Où était-elle ? Rien de plus simple. Dans la rue. Pourquoi ne répondait-elle pas directement alors ? Tsch.

" Je m'emmerdais chez moi, alors j'avais décidé de me promener... L'idée du siècle. "

Un goût amer envahit sa gorge. Elle s'emmerdait... Mff, rien que d'y penser elle en avait l'envie de s'arracher les cheveux. Elle aurait pas pu se bouffer quelque chose, ressortir la vieille console de jeux-vidéos, prendre un manga ou un bouquin. Nah, évidemment, il fallait qu'elle sorte. elle qui, en général, n'aimait pas se promener...
Elle se rappela alors sa marche le long du parc, la berline noire qui freine brusquement au détour de la ruelle - terriblement cliché, et pourtant c'était ce qui s'était produit, à croire que les organisateurs de ce bordel incommensurable avaient un goût prononcé pour le manque d'originalité, c'est vrai quoi, balancer des gens sur une île déserte avec une arme par personne, c'était du déjà-vu - et les gars en costard et lunettes noires qui sortent et se précipitent dans sa direction avant qu'elle ne se fasse assommer par derrière sans avoir eu le temps de faire le moindre geste. Et elle se retrouve comme par magie dans un entrepôt humide et empestant la moisissure avec une migraine fulgurante lui martelant le cervelet. Quel pied.
Ofelia secoua légèrement la tête, tentant de la sorte de faire disparaître ces images stupides qui tournaient en boucle dans son esprit. grossière erreur, car le seul résultat fut qu'elle raviva la douleur. Elle porta la main à son front - la gauche, elle allait quand même pas se foutre un coup de boomerang dans la gueule. Avec un peu de chance, demain, ça irait mieux.

» Ofelia [finished]