Qui suis-je ? Euh...Où suis-je ?

Ofelia a écrit:: Il manquait plus que les indigènes anthropophages

Tant qu’ils sont pas cannibales…

Sinon Isidore c’est grec, mais je le sais depuis cinq minutes^^]

Isidore fit un pas dehors. Le formidable panorama qui s’offrit à lui lui coupa le souffle. Lui qui n’avait jamais quitté, ou presque, sa petite ville de province, pas si petite que ça quand même, mais pas grande non plus, bref, pour lui, il y avait quelque chose de nouveau dans ce qu’il vit quand ses yeux se rendirent compte qu’il n’était pas aveugle.
Il se tourna vers Ofelia, la détaillant tandis qu’elle-même le détaillait. Il remarqua qu’elle était bien plus jeune que lui, elle ne devait pas avoir vingt ans, et était très grande, un clou, une asperge, comme on veut, les surnoms qu’on pouvait lui donner ne manquaient pas. Elle avait une chevelure châtain et indisciplinée et des yeux d’une couleur indéfinissable. Isidore se dit qu’elle dégageait un certain charme, avec son allure un peu laissée aller. La première chose qu’il fit fut de soulever ce qu’il avait autour du cou. Le soleil se réfléchit sur l’aluminium argenté de sa….pelle à tarte.
Il compara ça au boomerang que tenait l’adolescente, et puis leva les yeux sur le panorama de nouveau, regardant la plaine à l’herbe rêche et déprimante et les arbres nombreux mais en bosquets, la mer pas loin et l’absence de présence humaine.
C’est quoi encore ce bordel ? Fichue bonne question. Il ricana d’abord, puis éclata franchement de rire, plié en deux, les larmes aux yeux, secoués, comme s’il s’étouffait, sauf qu’il riait à en avoir mal. Il se laissa presque tomber contre un des murs de l’entrepôt sans cesser de rire, incapable de s’arrêter pendant plusieurs minutes.

-Ça me rappelle un vieux manga que j’ai lu quand j’étais petit, confia-t-il quand il se fut un peu calmé. Je me rappelle plus comment ça s’appelle. Dedans, ils étaient tous balancés sur une île, et à la fin, ils étaient tous morts. Sauf une…

Il eut un gloussement, et éclata de rire de nouveau.
*Putain pourquoi j’ai pas pris mon prozac avec moi ?*
Il voyait difficilement une meilleure occasion de faire une dépression. Et puis non, ce serait balo quand même, ici il n’aurait pas d’alcool pour se noyer dedans. Alors il se releva et enleva la pelle à tare de son cou, puis fit tourner la corde autour de son indexe.
*Qu’est-ce que je vais pouvoir faire avec ça moi ? Dur de le transformer en vibrolame, et chasser avec une pelle à tarte, ça doit être aussi facile qu’avec un boomerang…En somme, on vient de faire un gros bond en arrière dans l’évolution. Mais les baies toxiques et les orties, c’est pas mal non plus…*

-Alors Ofelia, t’as une idée de où on est ? La géographie et moi, ça a toujours fait deux.

Il n’en allait pas de même de la géologie, mais la terre desséchée et les entrepôts en béton n’étaient typiques d’aucun lieu sur Terre. Il regarda sa montre, qui indiquait quinze heures trente. Tant mieux, mais ça ne valait pas grand-chose s’ils avaient changé de méridien. Est-ce qu’il y avait des lieux comme ça en France ? Possible. Est-ce qu’ils étaient sur une île ou juste une côte ?
Isidore tourna deux fois sur lui-même, bras droit tendu, et rouvrit les yeux.

-Sauf objection, on va par là ! annonça-t-il en gardant son bras en position.

Un peu du pifomètre, mais ils n’avaient pas mieux pour se repérer.

Avec toutes les peines du monde, Néfer avait accroché son fouet dans son dos. Le fouet remplacait le Masamune. Elle aurait préféré un Masamune, comme celui de Natan ou Barhélémy. Elle regarda Isidore se marrer, tordu de rire, avec indifférence. Pis tenter de l'expliquer en leur parlant d'un manga.

- Battle Royale. Je crois. -

Elle détailla rapidement Isidore et Ofélia. En voyant Ofélia, elle ressentit immédiatement un grand élan d'amitié. Une personne de petite taille. Comme elle. Parce qu'elle, on lui donnait 15 ans ... Mais c'est pas grave. Elle en avait juste 17 quoi >< Elle répondit intérieurement à la question d'Isidore, consciente que la réponse lui plairait pas. Paumé quelque part, mais pas en Egypte. Elle tourna la tête vers l'endroit qu'avait désigné l'homme, et haussa les épaules.

- Ca me va. -

Elle mit ses mains dans ses poches, ne sentant même plus son arme inhabituelle dans son dos. Etrange. Paumée sur une ile avec des inconnus, avec un Fouet. Le vent souleva ses cheveux noirs. Les Sylphes se réveillaient. Elle garda ca pour elle, parce qu'elle était habituée à ce qu'on se foute d'elle, et elle n'en avait pas envie, pas maintenant.

[Aeuh, cannibale et anthropophage, si je ne m'abuse, c'est la même chose xD
Néfer: justement, Ofelia est grande, pas petite <<

Roh, ça m'éclate toujours autant le coup de la pelle à tarte...]

Après avoir de nouveau observé le coin où ils se trouvaient, se disant que c'était digne d'un scénario de film, elle regarda Isidore se rouler à moitié par terre. Ben, mieux vaut rire que pleurer, et elle dut elle-même se retenir. Ben ouais, elle fait partie de ces personnes qui ne peuvent s'empêcher de rire quand quelqu'un est dans le même état à côté d'elle. Un truc nerveux sûrement. Enfin, elle se fit violence et garda son calme.

Il parla d'un certain manga, puis Néfer enchaîna en citant son nom. Cela provoqua un déclic chez la jeune fille.

"Oh, j'ai vu le film ! Génial, surtout le moment où l'autre envoie la tête du type dans la baraque avec une grenade dans la bouche et quand les greluches s'entretuent parce que l'autre abrutie avait été foutre du poison dans l'assiette et qu'y en avait une qui a trouvé excellente l'idée de goûter cette fameuse assiette..."

Elle avait parlé de moins en moins fort, se taisant carrément à la fin, se disant qu'il valait mieux éviter les détails gores dans un moment pareil. dommage, elle qui aimait tant les passages sanguinolents dans les films, elle se trouvait servie. Mais bon, elle préférait qu'ils évitent de la prendre pour une barge.

Ofelia vit alors l'étrange ustensile accroché autour du cou d'Isidore. Une... pelle à tarte. Là, ce fut le truc en trop, la goutte d'eau qui fait déborder le vase, et elle ne put s'empêcher d'éclater de rire à son tour. Non mais merde quoi, une pelle à tarte !!! UNE PELLE A TARTE. Ouais, je sais on a compris, mais c'était tellement énorme pour elle que bon... Et puis une pelle à tarte quoi.
Elle réussit tant bien que mal à freiner sa crise de fou rire, et articula faiblement - fallait qu'elle reprenne son souffle quand même :

"Désolée, vraiment... Mais... Une pelle à tarte... Trop... Drôle..."

C'était vraiment pas sympa mais elle ne pouvait pas se retenir. Désolée, Isidore.
Elle reprit finalement son calme, non sans quelques efforts. Et puis la situation stressante lui mettait les nerfs à fleur de peau u_u

"Ahum. Quand à notre localisation..."

Elle leva les yeux au ciel.

"Aucune idée, mais je pense que c'était évident."

Isidore proposa alors une direction au pif. Bah, okay, pas de problème, toute façon d'un côté ou de l'autre ça revenait au même... Et puis elle pouvait toujours s'entraîner à balancer son boomerang au passage. Elle leur demanderait juste de se baisser avant de le faire, et vérifierait qu'il n'y ait aucun arbre ou autre sur son chemin. Elle se voyait mal devoir jouer à l'acrobate et se mettre à escalader la végétation. Genre Sydney Fox. Elle avait jamais regardé cette série, mais à sa connaissance dedans la fille se la jouait Indiana Jones. Roh, elle repartait en vrille là.

"Idem. Let's go."

Elle en profita pour jeter un coup d'oeil à Néfer. C'vrai, elle savait pas à quoi elle ressemblait. Habillée en noir évidemment. Un fouet. Parfait pour les escalader, les arbres. Enfin, faut réussir à l'utiliser convenablement et sans tuer ceux qui se trouvent autour, sauf si c'est nécessaire. Elle n'était pas Européenne, ça c'était à présent sûr. Peut-être Egyptienne, c'était le plus probable avec son prénom.

[Lol, Nefer, tu te balades souvent avec un sabre dans le dos ?^^
Sinon ouai, anthropophage c’est cannibale, c’est juste l’étymologie qui change, mais on s’en bat^^]

Battle Royal. C’était ça. Maintenant qu’elle le disait, ça lui revenait, à Isidore. C’était bien là le nom de son manga. Il datait d’un bon siècle celui-là, cependant c’était resté un classique, bien qu’il ait tendance à être de moins en moins connu au fil des décennies. Enfin dans le cas d’Isidore, il n’avait réussi qu’à trouver le tome un, vu qu’ils n’étaient plus édités et que les occaz’ étaient rares.
Enfin, il fallait s’estimer heureux, aucun agent du gouvernement ne s’était amusé à leur expliquer cruellement les règles du jeu.
Le nom du manga sembla faire réagir la face sombre et éminemment sadique de la jeune Ofelia qui énuméra avec un entrain qui aurait fait plaisir à moi si ses termes avaient été autres. Isidore ouvrit de grands yeux en fixant la jeune fille qui faisait une liste d’horreurs longue comme le bras. Il se dit qu’il avait peut-être bien fit de ne pas rechercher le film. De toute façon, il n’aimait pas ses vieux films en 2D. Même si certains étaient réputés être géniaux, il laissait cela aux cinéphiles.

-C’est malsain de regarder ce genre de choses à ton âge, dit-il à la jeune fille avec un certain manque d’entrain. Tu vas te griller les neurones…

Déjà qu’il y avait des no-lifes pour oublier qu’ils ont terminé de jouer et s’entretuer dans la rue parce que l’un est d’un camp et l’autre du camp adverse…Décidément, on vivait dans un monde qui partait à la dérive. Imaginez un peu si cette adolescente se mettait soudainement à essayer de le faire péter avec une grenade…
« Dis à ma femme que j’suis mort en homme, dit l’homme après que l’explosif se soit déclenché bien calé entre ses fesses. »
Non, décidément, pour lui aussi, l’audiovisuel était malsain. De voir quelqu’un se payer sa tronche parce qu’il se baladait avec une pelle à tarte en collier aussi ! Il observa avec un certain mépris que tempérait sa compréhension la jeune femme qui se payait ouvertement sa tronche. Isidore fit la grimace.

-Ouai, une pelle à tarte, et alors, ça te pose un problème ? Tu veux que je te montre ce que je peux faire avec une pelle à tarte moi ?

*Je peux couper des tartes …pensa-t-il, mais il se retint de le dire, se disant qu’il casserait ainsi tout son effet.*
Il était cependant bon de dire qu’il ne désespérait pas d’arriver à quelque chose. Avec une pierre plate et très solide…Peut-être aussi un bambou et de la corde, est-ce qu’on pouvait tresser du cannabis à la main ? Il en doutait. De plus, est-ce qu’il y avait du cannabis dans le coin ? Rien n’était moins sûr. Il se dit qu’une éventuelle liane, ou un lambeau de vêtement, feraient bien mieux l’affaire. Il portait toujours sa chemise noire en matière semi-organique, s’il arrivait à la déchirer, et c’était pas gagné, il pourrait sans doute en faire une corde très très solide. Après ça, il pourrait faire ravaler ses railleries à la gamine.
Quoi qu’il en soit, vu que les deux filles abondaient dans son sens, il s’élança d’un pas très large et caricaturé avant de continuer à vive allure mais avec plus de sérieux.

"C’est malsain de regarder ce genre de choses à ton âge, tu vas te griller les neurones."

Ofelia haussa un sourcil en entendant ça. Ironie ou non ? Barf, chacun ses goûts après tout. Elle qui était une grande passionnée des vieux films des années 2000 et plus - ou moins - avait grandi en les regardant. Et puis ils avaient pas assez d'argent pour se payer un lecteur 3D quand elle était plus jeune. elle n'en avait toujours pas assez d'ailleurs.

"T'as tort de dire ça, y a des films vraiment bien. Dawn Of The Dead par exemple."

En disant cela elle eut une sorte d'expression rêveuse, comme si un tas de bons souvenirs lui revenaient à la mémoire... C'était le cas, en fait. De tous les films, celui-là était son préféré [et c'est aussi mon cas d'ailleurs]. Vraiment bien fait. Super scénario. Pas trop d'effets spéciaux, à l'inverse de certains films où les zombies étaient totalement en images de synthèse. Non, là c'était du maquillage. Même pour le bébé à la naissance. Et puis, oh comble du désespoir, là aussi son personnage préféré crevait. Ironie du sort ou non ? Les personnages préférés d'Ofelia mourraient toujours - ou presque - dans les films qu'elle regardait. c'était pareil pour les manga d'ailleurs. Ou les séries. A croire qu'il valait mieux pas être son ami. Enfin, elle devait avoir le flair pour s'attacher à tous ceux qui étaient prédestinés à une fin plus ou moins atroce. Ca lui rappelait une vieille histoire, d'un chat qui venait se rendre dans les chambres des malades lorsque leur fin approchait dans un hôpital, en Amérique. Elle était peut-être pareil. Ouais, mais bien sûr.

"Mais y en a plein d'autres."

S'en suivit la crise de fou rire incontrôlable, qui sembla vexer Isidore.

"Ouais, une pelle à tarte, et alors, ça te pose un problème ? Tu veux que je te montre ce que je peux faire avec une pelle à tarte moi ?"

C'est vrai que c'était vraiment pas sympa de se foutre ouvertement de sa gueule comme ça. Merde, elle pouvait dire quoi pour se faire pardonner ? Aussi stupide que ça puisse paraître, elle voulait à tout prix trouver un moyen de s'excuser, même si ce ne fut pas vraiment obligatoire. Ne trouvant rien de potable à sortir, elle se contenta de dire, faiblement :

"Bah, dis-toi que dans le film de Battle Royale, le héros se retrouve avec un couvercle de marmite... Y en a un qui a une petite cuillère aussi je crois. Une pelle à tarte c'est plus pratique. On peut faire plein de chose avec une pelle à tarte."

Soudain, oh illumination, elle s'empressa d'ajouter :

"Et puis, une pelle au moins tu sais un tant soit peu t'en servir. J'ai pas l'air d'une conne avec mon boomerang moi, à coup sûr je me le prend dans la tête au retour..."

Geste suprêmement intelligent, irréfléchi et pouvant être dangereux, elle le lança brusquement. Heureusement que le terrain était dégagé. L'objet voleta loin, loin, et commença à entamer un virage avant de s'écraser lamentablement au sol. Hey et merdouille, elle se débrouillait comme un manche.

"Ah c'est malin, faut que j'aille le chercher maintenant."

Lâchant un soupir d'exaspération, elle se précipita pour récupérer son bien tandis qu'Isidore entamait sa marche caricaturale et oh combien ridicule, avant de se calmer rapidement et de marcher d'un pas normal.
Rah, c'est qu'il était tombé loin en plus ce machin. Y avait du boulot.
Et puis ça l'angoissait de s'éloigner autant de ses compagnons d'infortune comme ça, dans un endroit vachement à découvert en plus. Si y avait un barge avec un flingue, il pouvait la dégommer sans peine comme ça. Grmbl, vite, récupérons le boomerang

" C'est malsain de regarder ce genre de choses à ton âge. Ca va te griller les neurones ... "

La réponse de Néfer fusa sans qu'elle ait pu la retenir.

- Vaut mieux regarder Sweeney Todd que les débilités proposés par le Gouvernement. -

Sweeney Todd. Film merveilleux. Besoin est-il de rajouter qu'elle avait essayé de se raser après ca ?? Bon, elle avait huit ans U_U". Elle s'était bien coupé la joue et n'avait pas recommencé. Papa pouvait le faire, mais pas elle, message recu.

- En fait, j'ai toujours aimé le style Burton. -

Oui, Tim Burton. Très bon style. Elle adorait les films d'animations tels que Victor, L'Etrange Noël de Monsieur Jack ou Les Noces Funèbres. La question mauvaise de Isidore sur son arme la fit sourire. Avec une pelle à tarte, tu peux faire pleins de trucs. Elle regarda la fille lancer son boomerang vers une zone dégagée, râler et aller le chercher. Elle eut un sourire amusé. C'était ca la liberté ?? Ca avait bon gout. Et, d'un coup, elle se rendit compte que tout deux s'étaient charriés sur leur arme. Son tour viendrait bientôt.

- N'essayez même pas. -

Elle emboita le pas à Isidore, ayant un sourire légèrement ironique en le voyant marcher comme ca. Elle se remit à divaguer vers ses vieilles lectures, toutes issues de siècles derniers, toutes interdites par le Gouvernement ... Et que tout le monde semblait connaitre. Un court instant, elle se demanda si ils avaient lu du Bottero, mais abandonna l'idée de leur poser la question. Bottero, c'était pas répandu ...

* Dans mon monde, on appelle ca le muscle du houblon. Parce que c'est avec le houblon qu'on fait la bière et avec la bière qu'on fait ce genre de bidoches. *

Néfer sourit, laconique, un sourire mystérieux. Elle le perdit rapidement en levant les yeux. La plaine était désolée. Par contre, le truc qui bougeait là bas, c'était pas désolé. Ni désolant. Ni un mirage. Ca avait quatre pattes et ca paissait tranquillement la rare herbe de la plaine. Elle eut un murmure de possédée, un murmure que les trois entendirent.

- Putain ... De la bouffe ... -

[Maouw…(Moi j’connais Boterro Very Happy

)]

Dawn of the Dead ? Inconnu au bataillon. Isidore soupçonna une histoire de zombies et de morts, vu le titre, vu qu’il avait quand même quelques bases en anglais. Ben ouai, il étai allé à l’école, comme tout le monde…
Cependant il était d’accord avec Ofelia : il y avait des films excellents qui dataient du début du millénaire. Lui vinrent à l’esprit plusieurs noms de films d’animations, un certain Princesse Mononoké pour ne pas le citer, qui l’avait profondément marqué [je suis complètement fan de ce film…].

-Je suis d’accord avec toi, répondit-il à la jeune fille. ‘ia des films biens. ‘ien a d’autres qui te grillent les neurones…

Il n’en démordrait pas, de toute façon, quoi qu’ils disent. Il abonda cependant dans le sens de Néfer :

-Je suis tout à fait d’accord avec toi, on nous abreuve de conneries comme du petit lait, et j’ai l’impression que les gens finissent par devenir dépendants, c’est une plaie. Et puis j’ai vu Sweeney Todd aussi, j’ai quand même quelques classiques dans ma vidéothèques.

Il fallut cependant un petit moment à l’ex-alcolo pour associer le nom de Burton au réalisateur. Il avait vu le film, oui, puisqu’il avait fait un peu de bruit en son temps et qu’on le trouvait encore facilement sur Internet, cependant il ne s’était pas renseigné outre mesure sur le réalisateur.
Isidore se demanda s’il devait continuer à être maussade pour se venger à son échelle de l’affront que lui avait fait Ofelia, ou se dire qu’il avait de la chance de ne pas être un personnage de film qui se battait avec une cuiller à café. C’était assez pitoyable, ce à quoi il se raccrocher pour se dire que sa situation n’était pas si mauvaise que ça…
M’enfin, « l’amour pour épée, l’humour pour bouclier ». Avec ou sans pelle à tarte, il lui restait bien ça. Sauf qu’il avait un humour aussi douteux que branlant et l’amour était un concept bien exotique. Mais il y arriverait quand même, avec sa pelle à tarte, son amour et son humour…Ils verraient tous !
Il sourit néanmoins à la remarque d’Ofelia, et la regarda lancer son boomerang. Il tournoya, gracieux, et tomba au sol, tout de suite moins gracieux. Dommage. Il y avait encore des progrès à faire. Il s’arrêta de marcher, avisa un arbre à une vingtaine de pas de lui, arma le bras en tenant sa pelle à tarte par la manche.

-N’essayez même pas.

Il laissa retomber son bras prêt à lancer à toute volée la lame effilée…euh…arrondie sur le tronc innocent.

-Pourquoi ? demanda-t-il. Je fais attention, je ne vais tuer personne…

Ben ouai, elle s’en foutait, qu’il envoie sa pelle à tarte en alu’ sur un tronc d’arbre de soixante-dix centimètres d’épaisseur, non ? Et puis elle pouvait le vouvoyer, c’est pas parce qu’il avait près de deux fois son âge qu’il fallait faire des manières, ils étaient un peu au-delà de ça vu leur position…
Il laissa cependant passer, continuant sa marche en observant Ofelia du coin de l’œil qui revenait vers eux. Le murmure de Néfer le tira de sa rêverie dénuée d’objet. Il déclencha un gargouillement tonitruant dans son estomac supplicié.
*A manger !*
Il suivit le regard de l’égyptienne vers un quadripode en train de tranquillement prendre son repas. S’il savait que d’autres s’apprêtaient à en faire leur repas à eux…
Mais, une question s’imposait cependant :

-Comment on le tue ?

*Je propose qu’Ofelia l’assomme avec son boomerang, Néfer le ligote avec son fouet, et moi je le dépèce avec ma pelle à tarte…*
Mais encore une fois, il se tut, convaincu qu’il avait mieux éviter ce genre d’idées à la con qui aurait au mieux l’effet de les décourager. Mais le problème restait posé. Il ne pouvait rien faire avec une *saloperie de putain de merde de mes deux de* pelle à tarte et Ofelia aurait sans doute du mal à choper un éléphant dans un corridor. Il doutait que Néfer ait une quelconque expérience du fouet, mais qui sait…

-Dis-moi, se renseigna-t-il en chuchotant par réflexe malgré la distance les séparant de leur proie. Ton jouet, tu sais t’en servir ?

Tim Burton... Elle avait juste vu l'Etrange Noël de Mr Jack de ce réalisateur si elle ne se trompait pas. Y avait aussi une histoire d'un gamin avec une pêche géante mais elle n'était pas sûre que ce soit aussi de lui. En tout ca sça y ressemblait.

Les deux parlaient de Sweeney Todd. Et merde, celui-là elle l'avait pas vu. Elle se contentait en général de films d'horreur voire fantastiques. Bon. Liste personnelle des choses à faire si elle réussissait à quitter cette île à la con : regarder Sweeney Todd. Problème : elle n'avait ni feuille, ni crayon. Quand ça veut pas ça veut pas, le sort semblait s'acharner contre elle. Et ils ne semblaient pas connaître Dawn Of The Dead. Oh, blasphème, diffamation !!! Comment ne pas avoir vu le subtile et sublimissime "L'armée des morts" ? Comme quoi ce qui étaient des classiques pour elle ne l'étaient pas pour tout le monde. Enfin, une chose était sûre : si jamais elle avait un gosse - beuh, elle détestait ces petites choses toutes atrophiées qui braillent et te pourrissent la vie une fois venues au monde - elle l'éduquerait à sa manière... Exit les dessins animés du genre "Ram Dam Mania" [premier nom qui me vient à l'esprit - -'] où les petits singes roses et bleus font mumuse dans une forêt synthétisée, non, elle lui apprendrait les vraies valeurs de la vie elle, la mort, le sang et toute la cruauté dont le monde peut faire preuve - ce qu'il faisait d'ailleurs, faut vraiment être dégeulasse pour envoyer une pauvre fille de 17 ans sur une île comme ça - et en ferait une personne dépourvue de toute forme de naïveté ou niaiserie qui saurait à quoi s'attendre de cette société cruelle et conformiste. Le pauvre, elle lui briserait ses rêves d'enfant...

*Mon Dieu ma pauvre, c'est dans ces moments-là que je m'aperçois que t'es totalement barge... Siphonnée du bocal pour ne pas reprendre une vieille expression.*

Et en plus, elle se parlait à elle-même. Enfin, se pensait à elle-même. Splendide. Magnifique.

___

Elle avait à présent récupéré son "arme dévastatrice" - autant du côté des alliés que de celui des ennemis - et courait dans leur direction pour les rejoindre. Et puis, suivant les regards des deux autres "naufragés", elle aperçut le cerf, la gazelle, la biche, enfin, un truc qui broute et qui court vite, de loin elle n'arrivait pas à définir avec précision ce que c'était.

"Putain ... De la bouffe ..."

"Comment on le tue ?"

Elle lâcha un rire sarcastique. C'était bien beau d'avoir un tas de viande mouvant sous le nez - à quelques dizaines de mètres - mais il fallait réussir à le chopper. L'idée de jeter son "Super Boomerang Of The Death" [le nom à deux yen - -'] lui effleura bien entendu l'esprit, mais elle la chassa bien rapidement. Vu son dernier essai qui n'était vraiment pas concluant, ça ferait surtout détaler l'animal et les autres pourraient se foutre de sa gueule, et l'engueuler au passage.

Elle soupira puis ajouta :

Et puis une idée qui lui parut lumineuse sur le moment surgit dans son esprit :

Sur ce, elle se tut. Elle tourna la tête vers Néfer quand Isidore lui demanda si elle savait se servir de son fouet. Si seulement...

(Isidore > WERBER !! Je rêve, enfin un qui connait !! L'amour pour épée, l'umour pour bouclier !! Je me sens moins seule dans mes lectures XD)

Et voila, tout le monde la regardait. Si elle savait se servir de son fouet ?? Question à deux talents, je rêve. Elle aurait préféré un bon arc ou une arme de jet, un truc autre que ce foutu fouet qui le lui servait à rien d'autre ... Qu'à fouetter. Mouhahaha. Pas marrant. Pour le moment, elle se sentait vent. C'est elle qui poussait les autres. Ne jamais laisser personne dépendre de toi, règle numéro un qu'elle avait lu dans Ellana.

- Oui, t'as raison, je balance mon fouet sur la bestiole, et ... -

Son regard venait de se poser sur le boomerang d'Ofélia. Elle se tut instantanément. Le boomerang, les couteaux, l'arc, c'était du kif-kif, non ?? Elle saisit le boomerang, l'arrachant des mains d'Ofélia, accrocha son fouet au boomerang comme elle le pouvait, ferma son oeil pour viser. Pitié que ce soit pareil. Pitié que ce soit pareil. Elle lanca le boomerang qui décrivit une grande parabole. Pitié que ca marche. Le fil du fouet faisait des vagues dans l'air. Le boomerang tomba sur le bestiau. Elle n'était pas si mauvaise lanceuse. Le fouet s'entortilla autour du cou de l'animal, l'étranglant presque. Il tomba à terre. Sidérée, Néfer regardait. Ca avait marché.

- A TABLE !! -

Un coup comme ca, ca arrivait une fois dans la vie. Autant en profiter largement. Néfer se mit à courir vers la bestiole, de peur de la voir se lever et se tirer avec le fouet et le boomerang.

- Allez, Isidore, c'est toi qui as l'ustensile, c'est toi qui la dépèce !! -

[Lol, il est excellent ce mec. Quoi que je le cite, mais j’ai pas lu le cycle des Thanataunautes^^J’ai pas le premier tome, faut que je me l’achète à l’occaz. En revanche j’en ai lu d’autres^^
Ceci mis à part comment on sait qu’on est sur une île ?]

Isidore ricana. Si la demoiselle s’amusait à le scalper au boomerang fou, lui s’amuserait bien à la faire hara kiri avec sa pelle à tarte (il aurait préféré une petite cuiller, mais il n’y avait rien de tel dans les environs). Ça lui ferait les pieds tiens, à cette espèce de sadique. Et ça sauverait sans doute la vie de ses futurs enfants. Les pauvres gosses. En plus, elle ressemblerait vraiment aux zombies qu’elle semblait apprécier. Froide, pâle, couverte de sang, le regard fixe, la bave aux lèvres, excès de pilosité, odeur repoussante : les déchets stagnaient dans le corps qui se décomposait par ailleurs. Le parfait petit zombie. Isidore fit la grimace à l’image qui s’imprima sur son esprit. Il fixa très intensément Ofelia pour se convaincre qu’elle n’était pas morte. Son esprit revint vers leur proie. Il valait mieux. C’était plus appétissant.

-Tu ferais une affreuse zombie, assura l’éboueur à Ofelia. Je t’assure. Vraiment écœurante…

C’était sorti tout seul, mais il venait de vivre une expérience marquante. Que sa faim, de plus en plus intense au fur et à mesure qu’il y pensait, éclipsait allégrement. Sans doute était-ce l’idée d’être perdu dans une forêt vierge, cependant il aurait mangé n’importe quoi, de la mygale farcie au sanglier à la broche.
L’idée d’Ofelia fit lever un sourcil à Isidore qui la regarda avec amusement. L’idée n’était pas mauvaise en soi. En fait, il n’avait guère vu d’autre utilité à son arme étrange. Il se demandait si la pénurie pourrait le forcer à l’utiliser sur un autre être humain…Il secoua négativement la tête en s’interdisant de telles pensées.
*Plutôt mourir que de tuer quelqu’un…*

-Pas mal mon enfant, répondit-il avec ironie, mais j’y avais déjà pensé ; merci quand-même.

Il avait toujours ce petit côté acerbe quand il s’adressait aux gens. Sans méchanceté. Pas plus méchant qu’une épine qui se plante dans votre doigt : l’épine n’a rien fait, c’est le doigt qui la cherche. La réponse de la jeune femme au teint halé quant au fouet l’étonna, le prit même complètement au dépourvu. Il ne perçut pas l’ironie. Elle pouvait vraiment le faire ? Il se prit à sourire de contentement.

-Ce serait super ou…Hein ?!

Il observa avec stupéfaction la jeune femme (la quinzaine peut-être, décidément, il avait du être confondu avec un us scolaire) accrocher la lanière de cuir au boomerang, viser et tirer.

-Non ! dit-il, mais trop tard, ils allaient faire fuir la bestiole et en plus, il allait falloir aller chercher l’attirail des deux femmes.

Il jura en donnant un coup de pied dans l’herbe rêche et la terre sèche. Le bruit sourd d’un corps chutant au sol au même titre que le cri de Néfer le tira de ses remontrances intérieures envers l’inconsciente. Il regarda la bête ; au sol, étranglée par le boomerang et sa lanière de cuir.

-Owned…souffla-t-il.

Revenant de son choc, Isidore se mit à courir vers la bête de peur qu’elle ne s’enfuie malgré ses entraves. Ses enjambées plus longues compensèrent sa forme physique défaillante si bien qu’il soutint à peu près le rythme de la jeune femme. Il bondit sur la créature, en fait, un daim qui s’ébrouait et s’affolait. Il était encore jeune, ses bois peu développés en témoignaient. Il s’effondra sous le poids d’Isidore tandis que celui-ci tirait sur les lanières du fouet, resserrant la prise autour du coup de l’animal. Il préférait ça à la mise à mort douloureuse qu’aurait été de se faire égorger par une pelle à tarte. Le daim manqua de le jeter au sol plusieurs fois puis finit par tomber lui-même et, après quelques spasmes, par le plus bouger. La question qui se posait maintenant : que faire avec sa pelle à tarte…

-Vous savez quoi ? dit-il aux deux femmes. Je pense qu’on devrait trouver un coin tranquille, faire un peu, si on y arrive, et dépecer la bébête là-bas.

Isidore se demandait s’il avait toujours son briquet dans sa poche, et aussi s’il arriverait à porter le daim sur ses épaules. Leur repas devait bien peser soixante ou soixante-dix kilos. Il n’y avait qu’un moyen de le savoir…Il défit le fout le boomerang et le tendit à ses compagnes d’infortune.

[Pour l'île, j'en ai aucune idée xD
Peut-être qu'ils supposent que c'en est une comme ils ont tous vu Battle Royale.]

"Tu ferais une affreuse zombie. Je t’assure. Vraiment écœurante…"

Ofelia haussa un sourcil en entendant les paroles d'Isidore. Une affreuse zombie ? Aussitôt, elle s'imagina en version mort-vivante. L'image était assez trash, mais elle ne put que sourire à cette vision. Non pas qu'elle voulait le devenir hein, mais se voir dans cet état ne pouvait que la faire rire. C'était mieux que de pleurer. Enfin, si elle se retrouvait comme ça, ça voulait dire qu'elle s'était faite mordre par un zombie. Eurk. Elle frissonna. En fait, les zombies, elle les aimait bien dans les films, notamment quand ils se faisaient percuter par des bus ou des camions - ces moments-là étaient pour elle les plus drôles - mais sinon, ils la faisaient plus flipper qu'autre chose. Beuh, te faire bouffer à moitié vivant par des types repoussants et n'étant même pas foutus d'articuler leurs phrases - "Geeeeeuuuuh" - non mais quelle horreur. Ca lui rappelait un autre film, qu'elle n'avait vraiment pas apprécié cette fois-ci : Le jour des mors vivants. Ca faisait beaucoup trop dans les détails sanguinolents, écœurants, et quand il n'y avait pas de zombies, c'était chiant. La nuit des morts vivants était mieux, en revanche. M'enfin, ce n'était vraiment pas le moment de s'attarder sur des broutilles pareilles.

S'ensuivit la scène où Néfer la joue Calamity Jane et fait chuter à elle toute seule le daim. Waah... Le fait de la voir s'emparer de son cher boomerang la surprit assez, l'énerva peut-être même légèrement - Ofelia détestait prêter ses affaires, c'était comme ça - mais le comble de l'horreur fut de la voir réussir. Grmbl, elle arrivait à l'utiliser, ce fichu boomerang. C'est dans ces moments-là que l'on se sent parfaitement inutile. En le voyant décrire un arc de cercle parfait et permettre au fouet de s'enrouler autour du cou, de la gorge de l'animal, la jeune britannique se promit qu'un jour, elle aussi elle serait capable de le balancer correctement. Et sans fouet pour aider. Bien sûr, c'est beau de rêver.
Elle restait toujours bouche bée, plantée comme une demeurée au milieu de cette grande étendue d'herbe, quand ils partirent rapidement en direction de la proie qui se débattait en vain pour s'échapper. En même temps c'était sans doute mieux, car c'était très comique de regarder de loin Isidore faire une sorte de rodéo sur la pauvre bestiole. Et ça lui évitait de voir l'animal souffrir, car mine de rien Ofelia était sensible, enfin, elle ne supportait pas de voir les animaux avoir mal. Ce fut quand elle vit qu'il était finalement mort qu'elle se décida à les rejoindre, récupérant au passage son arme que lui tendait l'éboueur - même si elle ne savait pas qu'il était éboueur, mais répéter toujours "Isidore" ça fait dans la répétition et ça me gave.

"Vous savez quoi ? Je pense qu’on devrait trouver un coin tranquille, faire un feu, si on y arrive, et dépecer la bébête là-bas."

Elle regarda le cadavre de la bête. Hum. Elle avait jamais mangé de daim.

"Bonne idée. Mais j'espère que l'un d'entre vous à un briquet ou des allumettes, parce que ce n'est pas mon cas. Oh, et faut aussi réussir à se trimballer le bestiau."

Elle soupira. Damned, ça s'annonçait vraiment éprouvant comme séjour. Et elle qui détestait faire du sport.

"Je sens que ça risque d'être épuisant à la longue, tout ça."

Merde. C'était la énième fois qu'elle se le répétait, mais elle aurait vraiment mieux fait de rester chez elle ce jour-là.

[Désolé pour le retard, j’attendais Néfer qui ne vient pas, tant pis, on a perdu notre fer de lance…
C’est vrai qu’en fait c’est très bizarre qu’ils connaissent tous trois un manga vieux de 100 ans^^]

Dans le genre « fils de morts-vivants », on pouvait aussi citer Je suis une Légende, mais a fortiori, le livre dont il était tiré qui, si les connaissances en littérature d’Isidore étaient bonnes, représentai la première œuvre de ce genre devenu un stéréotype gros comme une maison par la suite : « Tous les Hommes se sont transformés en zombie/vampires/goules/affiliés qui ne sortent que la nuit et son anthropophages, sauf un, qui lutte contre sa destinée inéluctable qu’est la Mort dans un déluge d’hémoglobine ». L’œuvre originale avait le déluge d’hémoglobine en moins et l’originalité en plus, avec une réelle recherche sur les causes de la vampirisation du monde, et une chute vertigineuse qui avaient passionné Isidore.
Mais bien sûr, ne lisant pas dans les pensées l’un de l’autre, nos protagonistes ne savaient qu’ils pensaient aux mêmes choses en ce même moment, d’ailleurs, il cessa d’y penser quand il se lança finalement derrière Néfer pour achever le pauvre daim qui n’avait rien demandé à personne.
Revenons-en donc au présent.

Isidore croisa les doigts de la main droite, plongeant la gauche dans une poche de son jean ; rien. Seconde poche de l’autre main et toujours rien.
*Merde.*
Il tâta les poches de derrière, sentit le rebondissement d’un paquet de cigarettes (il était alcoolique, mais ça ne l’empêchait pas d’être un léger fumeur), le poussa hors du tissu avec un petit rire satisfait.

-Heureusement que je suis là, lança-t-il dans le vent tout en ouvrant le paquet blanc et en le vidant dans sa main.

Les cigarettes furent emportées par le vent ou roulèrent sur sa paume pour finir sur le sol décharné. Quel meilleur moment pour changer de mode de vie que celui où on ne vous laisse pas le choix ? Ainsi au moins, il ne risquait pas de reprendre. Allez trouver un bar-tabac dans le coin…
En revanche, il ne jeta pas le briquet (mais le paquet oui, pour un éboueur, la honte…) dont il fit jouer l’allumage électrique. Un arc se forma entre les deux bornes polarisées de la gueule de l’instrument circulaire (on avait abandonné les briquets à gaz depuis quelques temps) ; Isidore passa sa main au-dessus et la retira vivement quand la température de l’air s’éleva trop, soit une petite seconde plus tard.

-Voila pour le feu, maintenant, pour transporter le bestiau…Il a l’air lourd quand même…Tu soulèves combien, Ofelia ?

A eux deux ils devraient bien pouvoir se trimballer la masse de chair inerte. S’y mettre à trois aurait été inutile. La remarque de la jeune femme fit faire la grimace à Isidore. Oui, la journée allait être éprouvante. Parti comme ça, les autres aussi. Mais il était étonnant de voir que quelques minutes leur avaient suffi pour s’adapter à cette vie nouvelle : déjà chasseurs. Quoi qu’il y eut encore des progrès à faire dans le domaine, mais ce serait une question de temps, ça.

-J’aurais vraiment mieux fait de rester chez moi ce jour-là, entérina Isidore. C’est vrai quoi, je serais resté picoler comme un con et j’aurais eu la paix.

Ben ouai merde, dans quel monde on vivait ? Il était bien lui, à glander dans son appartement minable. Mais d’un autre côté, il n’aurait jamais eu la chance de voir une casque à l’effigie d’un drapeau de pirate à l’effigie d’un lapin s’il n’était pas sorti ce jour-là, ni d’avoir une démonstration de chasse au jeté de fouet.
Décidément, il aurait pas du se lever…

[Okay. Tant pis. NEFER, AU PIED. On a le droit de lui piquer son fouet ? Huhu, sans commentaire u_u]

Isidore finit par sortir un paquet de clopes qu'il éparpilla au gré du vent - peut-être qu'il s'attendait à ce que des arbres à Malboro se mettent à pousser une fois qu'il aurait plu - ainsi qu'un briquet. Cool, au moins c'était ça de moins à faire. Déjà qu'elle était à peine foutue de pas faire exploser son appartement en allumant la gazinière - n'oublions pas qu'elle était loin d'être riche, alors elle vivait à la base dans un vieil appartement - elle se voyait mal tenter de faire du feu. Vraiment.

"Heureusement que je suis là..."

Ofelia acquiesça négligemment de la tête avant d'applaudir brièvement. N'oublions pas qu'ils étaient quand me^me loin d'être tirés d'affaire...

"Voila pour le feu, maintenant, pour transporter le bestiau…Il a l’air lourd quand même…Tu soulèves combien, Ofelia ? "

La jeune fille se figea, le fixant avec des yeux ronds.

"Guh."

Elle le regarda fixement un instant, puis son regard plongea vers le cadavre.

"Tu veux que je... Bon, écoute. Je veux bien t'aider, mais tu sais, la force et moi, ça fait quoi... Dans les 4000 et quelques. Nous n'avons jamais été en accord toutes les deux. Je dois être capable de soulever dans les 3 grammes et demi."

Blanc. Coup de vent.

"Ouais, désolée pour cette espèce de blague minable, mais quand je me retrouve dans une situation pareille, je ne peux que sortir des conneries. C'est nerveux je crois."

Elle ne put que se résigner à l'aider dans sa tâche. Mais avant il fallait savoir où s'installer. Elle était en train de réfléchir à un endroit idéal - et y en avait des tas et des tas - quand son compagnon d'infortune la tira de ses pensées.

"J’aurais vraiment mieux fait de rester chez moi ce jour-là. C’est vrai quoi, je serais resté picoler comme un con et j’aurais eu la paix."

C'était loin d'être faux. enfin, toutes les personnes présentes ici devaient penser la même chose.

"Idem. L'aprem' à jouer avec une vieille console de jeux en me gavant de sucreries. Le pied."

Elle prit alors un ton jovial, forcé bien sûr, mais peut-être légèrement sincère dans le fond.

"Mais voyons le bon côté des choses. On s'éclate bien, on gagnera peut-être plein de fric si on tient jusqu'au bout - un peu comme une vieille émission de télé-réalité - et on va apprendre à devenir HYPER AU-TO-NO-MES. Ca, c'est de l'aventure au moins."

Même si elle aurait préféré être prévenue de sa participation non voulue. Bah, tant pis, quand on a pas de chance, c'est jusqu'au bout...

"Je crois que je vais finir par péter un câble, si je commence déjà à sortir mes vannes à deux yen..."

[Expdr les arbres à Malboro^^]

L’applaudissement pas très convaincu de l’adolescente tira une grimace à Isidore.
*Conne de gamine va…*
Sans son briquet, ils auraient été bien en peine de manger autre chose que de la viande froide. Maintenant, ils étaient tirés d’affaire ! L’eau se trouverait facilement, et l’eau et la nourriture suffisaient à survivre. Le borborygme qu’énonça la demoiselle le tira de son apitoiement aussi intérieur qu’indécent, pour le plonger dans une autre réflexion ; qu’est-ce qu’elle avait voulu dire par « guh » ? Sans doute qu’elle ne se sentait pas de porter la bébête à bouts de bras, et même sans doute de la porter tout court, mais il fallait bien qu’ils s’y collent, puisque personne n’était là pour le faire à leur place.
Quand Ofelia enchaîna, Isidore mit un moment à saisir ce qu’elle disait. Dans les trois grammes et demie ? Personne n’était aussi faible ! A moins d’avoir les muscles atrophiés, et encore…Au bout de quelques secondes, il comprit quand même que c’était de l’humour.
*Je dois devenir sénile…*
Isidore se mit à pouffer comme un imbécile, autant par rapport à la blague qui venait de jaillir de la bouche de sa compagne d’infortune que de son constat désopilant. Ça faisait des siècles que personne ne lui avait dit de blagues ; le niveau de celles-ci lui rappelait agréablement ses années de lycée. Riant tout en tentant de s’en empêcher, il rendait un son entre le gargouillis d’estomac et le ricanement, ce qui ne devait pas être pour le faire passer pour sain d’esprit. Comme s’il s’en souciait !

-T’en fais pas, les blagues pourries, j’ai l’habitude, j’en ai entendu à longueur d’année pendant un bon moment, alors un peu plus ou un peu moins…

Sauf que les derniers traits d’humour de cet acabit qu’il avait entendu de ses anciens amis, il les avait entendus alors qu’il vivait une enfance tout ce qu’il y a de plus normal, bref, avant que sa vie ne devienne cette ridicule tragédie.
Isidore poussa un soupir, reprit le fouet de Néfer après le lui avoir demandé, et l’enroula autour des pâtes de l’animal, et haussa les épaules en écoutant Ofelia.

-Tu gagnes jamais plein de fric quand tu crois que tu vas gagner du fric. Si on est dans une émission de téléréalité – et j’en doute, je suis pas profondément humaniste mais on peut pas être tombé si bas que les chaînes de télé ne se gênent pas pour enlever les gens dans la rue -, alors on sera sans doute pas les vainqueurs. Parce qu’il n’y a qu’une seule place sous le soleil de la gloire, et que moi+toi=2. Non, si tu veux gagner du fric, fais la manche, deal pour un parrain de la mafia, fais un putsch, mais les émissions de téléréalité, ça engrange plus d’argent que ça n’en donne. Et, de plus, être autonomes ne sert pas à grand-chose dans un monde comme le nôtre ; maintenant, même au fond du trou du cul du monde, t’as une connexion Internet. T’as qu’à chercher un tuto sur « comment survivre au fin fond du trou du cul du monde » et t’auras dix mille réponses sur NeoSearch, sans compter Copernic, et je sais pas quoi d’autre. Alors la question est : est-ce qu’on a dépassé le trou du cul du monde ? La réponse se trouve sans doute dans la connexion internet, malheureusement, je n’ai pas pensé à prendre mon ordi avec moi, et on m’a chouré ce qui me servait de portable. Mais je t’en prie, ne pète pas à un câble, laisse-moi le privilège de craquer avant toi, je crois que je suis sur la bonne voix.

Isidore se tut. Cette idée d'être l'objet d'un jeu télévisé lui déplaisait souverainement. Pourtant, il fallait bien le reconnaître, sans cette comédie, il aurait repris son quotidien : glander - ramasser les poubelles - se descendre une bière au bar avec ses collègues de travail - rentrer chez lui - dormir - glander...Animé d’une énergie qu’il ne se connaissait pas, il fit passer la lanière du fouet par-dessus son épaule, tout en restant dos au cadavre, puis tira, soulevant le daim par les pâtes. Le cuir lui s’enfonça dans la chaire de son épaule, il poussa un petit cri sans pour autant lâcher prise et vacilla sur ses jambes quand le daim fut au niveau de ses omoplates.
*Je suis con, j’y arriverai jamais, c’est pas vraiment le moment de me la jouer…*
De fait, il se mit en marche, mais au bout de cinq pas, il dut lâcher l’animal mort et manqua tomber avec lui.

-Et merde ! s’énerva-t-il en donnant un coup de pied dans la masse de chaire inerte. Bon ben c’est même pas la peine de penser le porter seul, il est trop lourd…J’espère que tes trois grammes en moins suffiront à le rendre supportable.

Isidore donna encore un coup de pied dans le vent, puis enleva et déchira sa chemise, en tirant deux bandes de tissu. Il enfila de nouveau ce qui lui restait, attacha les bandes de tissu autour des antérieurs et des postérieurs du daim, pour qu’ils puissent le tenir plus facilement.

[Vraiment désolée pour le retard. J'ai pas vraiment eu le temps de venir cette semaine.]

Le fait de voir Isidore rire - enfin, rire, il produisait plutôt une succession de sons étranges, ce qui pouvait même être assez effrayant, on aurait presque pu croire qu'Alien allait lui perforer la cage thoracique pour s'extirper de son corps - Ofelia fut plongée dans un profond... mutisme. Elle l'observait pouffer avec un air plus qu'affligé, et y avait de quoi l'être, étant donné que sa blague n'était même pas une réelle blague, juste une connerie comme elle aimait en sortir, pas un truc fait pour être amusant. Si elle avait voulu sortir une vraie blague, elle aurait pu lui faire le coup du "Qu'est-ce qu'un lépreux dans une piscine ?", laisser un silence d'environ cinq secondes avant de sortir sur un ton plus que morne "Un efferalgan". Elle aurait tout de suite enchaîné et dit "Je sais, ça craint, c'est con mais j'adore." histoire de ne pas trop passer pour plus stupide qu'elle ne l'était, enfin, un truc du genre. Après tout, il avait quand même le droit de rire, on était tous un peu - beaucoup même - à cran dans cette situation. Cependant Isidore finit par se reprendre et elle fut sortie de son état semi-végétatif par une phrase de ce dernier.

"T’en fais pas, les blagues pourries, j’ai l’habitude, j’en ai entendu à longueur d’année pendant un bon moment, alors un peu plus ou un peu moins…"

Elle acquiesça de la tête.

"Si tu veux, je peux te sortir une blague vraiment nulle, et là tu verras la merde dans laquelle tu te retrouves avec moi pour déblatérer des idioties pareilles. Parce que les vannes à deux yen, j'en connais des tas et des tas."

Alors son ami - ouais, finalement elle avait décidé de le considérer comme son ami - déclama une longue, looongue tirade traitant de la possibilité d'une émission de télé-réalité, d'Internet, du trou du cul du monde, etc. Elle suivit tout en silence, sans en comprendre la totalité. Fallait pas trop lui en demander, elle avait que 17 ans après tout. Une fois qu'il eut terminé, elle laissa un blanc avant de lâcher avec une pointe de lassitude dans la voix :

"Mouais... Je suis pas sûre d'avoir tout compris, mais je pense avoir cerné les grandes lignes. N'oublie pas qu'il y a une certaine différence d'âge entre nous deux, et que je suis pas une lumière à la base."

Ce n'était pas un reproche, non, absolument pas. Elle désespérait juste de ne pas être plus... Intelligente ? Plus vieille peut-être, histoire de tout capter ? Elle ne le savait même pas.

Isidore attrapa alors le fouet et entama un atelier "bricolage pratique et travaux manuels" lors duquel il ficela le daim comme un saucisson sec eet tenta de le soulever, laissant au passage échapper un grognement - ou un truc du genre - lorsque la lanière lui entailla la chair. C'est bien dans ces moments-là qu'on est satisfaite d'être une pauvre jeune femme faible et sans défenses incapable de subvenir à ses propres besoins en pleine jungle et donc loin de pouvoir venir en aide à autrui u_u
Il fit quelque pas, la carcasse sur le dos, puis la laissa tomber par terre en jubilant. A ce moment-là, Ofelia compatissait vraiment. Allez, autant essayer d'aider, ça faisait vraiment tâche de le regarder suer sang et eau sans rien foutre de son côté.

"Et merde ! Bon ben c’est même pas la peine de penser le porter seul, il est trop lourd…J’espère que tes trois grammes en moins suffiront à le rendre supportable."

Elle le regarda alors déchirer sa chemise - Indiana Jones, tatatataaa... - et entreprendre de faire un zigouigoui histoire d'arranger l'affaire pour porter la bête. Elle eut un petit sourire en se disant que si c'était réellement une émission de télé-réalité ou autre, il venait de se fair eune horde de groupies avec ce geste digne d'un film. Elle les voyait déjà avec leurs "KYAAAH" et autres. Huhuhu.
Elle s'approcha.

"Okay pour t'aider. Mais si on y arrive pas, on peut toujours essayer de le découper en morceaux, on embarque l'essentiel, chais pas."

Et elle rajouta :

"Mais maintenant t'es dans la merde si il pleut. Espérons que c'est pas le coin où y a trente-six cyclones par an avec maxi tempête et inondations."

» ... Ben, j'suis absente ?
» Je suis venu vous dire que l'on s'en va
» "Je suis comme un chat sur Mars qui ne reviendra jamais sur Terre..."