Par une nuit sans lune, une lumière dans la nuit [Pv Christopher]

Marcher.
Marcher encore.
Toujours Marcher.
Au hasard des routes, au hasard des chemins.
Laisser le vent souffler, faire danser ses cheveux.
Continuer de marcher, la tête dans les nuages sans se préoccuper du reste.
Ainsi allait Hana, pâle fleur japonaise s'avançant dans la nuit noire. La lune au-dessus d'elle ne parvenait pas à percer l'épaisse couche de nuages qui avait enveloppée un peu plus tôt le ciel du couchant. Aucune lumière ne brillait dans le ciel sombre et seul la pâleur de son visage arrivait à se détacher de la nuit ténébreuse.
Elle n'aurait su dire depuis combien de temps elle marchait ainsi, laissant son instinct la faire avancer sans se soucier de la direction ou de ce qu'elle risquait de rencontrer. Elle n'avait pas à s'en faire, cette île ne valait pas la peine de devenir fou. Elle n'avait pas encore repérer les diverses caméras installées si et dans la noirceur des ténèbres alentours, rien ne brillait. A si, ce point lointain qui la guidait inconsciemment depuis des heures, cette seule lumière faible au loin qui avait attirer son œil rêveur... Oui, il y avait bien quelque chose qui arrivait à percer cette étouffante noirceur et c'est là-bas que se rendait la jeune fleur blanche du pays du soleil levant.
Nul n'aurait pu comprendre le fil de ses pensées à cet instant, nul n'aurait su lire cette expression à la fois froide et chaleureuse peinte sur son visage. Elle-même ne comprenait pas ce sentiment de nostalgie éprouvée en compagnie du jeune homme à la longue cicatrice sur le visage. Sa rencontre avec lui avait été telle qu'elle n'en était toujours pas remise. Mais elle ne le montrait pas, il n'y avait rien à montrer, rien à éprouver, juste une réponse à chercher au plus profond d'elle... Mais cette réponse, elle ne la trouvait pas. Ces simples mots perdus, elle ne les retrouvait pas.

Toujours perdue dans ses pensées, elle ne remarqua pas que le point lumineux grossissait maintenant à vu d'œil et que bientôt, elle l'aurait atteint, elle ne remarqua pas que bientôt elle ferait partie des rares choses éclairées par le phare. Car c'était bien un phare, perdu dans la zone ouest, éclairant par courte période la mer puis la terre. C'était bien ce phare qui avait l'audace de franchir cette barrière sombre qu'était cette nuit si impénétrable et c'était bien ce phare qui allait l'accueillir en son sein cette nuit. Il lui servirait d'abris car le vent nocturne soufflant cette nuit ne cessait de la faire frissonner.
Son regard, vague jusqu'à présent, devint plus vif, chose que personne n'aurait pu remarquer dans la pénombre, et elle détailla le phare, lentement, semblant l'étudier sous ses moindres détails, cherchant la moindre marque que le temps avait pu lui faire.
Seule, plantée devant ce vestige du temps, elle observa longuement la porte.
Entrer.
Ne pas entrer.
Tel était son dilemme actuel. Et oui, Hana n'était pas quelqu'un de très compliqué, elle aimait la simplicité et vivre au jour le jour sans se soucier de ce qui pouvait lui arriver le lendemain et ne se prenait pas la tête à réfléchir des millions d'années... Un geste valait toujours mieux que mille mots comme avait dit le sage et il avait bien raison.

La jeune femme s'avança donc jusqu'à la porte de l'imposante bâtisse et pénétra dans son ventre...

* Tic tac tic tac... *

Le temps passait, il n'était pas sorti sans son violon. C'était à prévoir. Tenant fermement l'étui dans sa main gauche, ses jointures étaient devenues blanche en répétant ce geste, resserrant la pression à chaque pas, il avançait péniblement dans ce qu'il avait décrit comme " un Vide piéger dans la Nuit"... C'était toujours aussi poétique chez Joshua... Enfin, Christopher.

* Et là tu avances, tu tombes, tu remarques qu'en fait tu cours à ta perte... Marrant, tu y crois encore... *

Dix ans, deux jambes et il y croyait. Il y croirait tant qu'il ne se sera pas pris emmêler les pieds dans ce Vide. Presque devenus irréels, les espérances du garçon tombèrent de haut lorsqu'une lumière vive attira sa vue brouillée. Il cligna des yeux et avança vers celle-ci

* Le diable t'appelle, toi tu marches vers ta perte... On marchera tous les deux et on nous enterrera ensemble, hein Chris ? *

Il s'arrêta. Se pris la tête entre les mains et cria de sa voix impénétrable :

« Ta gueule j'en ai marre ! »

Ses yeux se révulsèrent. Sa bouche se tordit et il continua d'avancer. Comme s'il ne s'était rien passé. Comme s'il ne s'était jamais mis à crier seul. Seul dans ce Vide sans nom piéger dans la Nuit... Il avançait toujours vers cette lumière éblouissante, comme hypnotiser. Il ne voyait pas où il mettait les pieds. Tombant plusieurs fois s'accrochant avec violence à son violon. Presque comme si quelqu'un l'attendait, lui envoyait des signes, il gardait les yeux rivés vers cette lumière...

* Tic tac tic tac... Pourquoi tu marches déjà ? Imbécile *

Il grommela quelques jurons dans sa langue fétiche, le fabuleux allemand qu'il avait presque perdu. Il tira une grimace et s'assit quand la lumière devînt trop forte. D'accord, il n'était pas venu jusque là pour se retrouver assis le cul dans l'herbe. Pris d'une poussée innée vers le haut et pourtant on dit que "les morts tirent les vivants vers le bas", il se releva et reparti d'un bon pas, trébuchant, se prenant des arbres et autre...

Et se dressant de sa silhouette imposante, un immense bâtiment d'où semblait provenir cette lumière tournoyante, éblouissante. Il se mit sur la pointe des pieds et éternua. Deux gestes qui lui rappelaient qu'il n'était qu'un gamin chétif et que trainer le soir à l'heure du couvre-feu n'était pas très raisonnables...

* Tu entres où tu comptes prendre racine ? *

Il ferma les yeux. Encore une fois il venait de prendre cette expression, ce rictus, haineux. Il se parlait à lui-même. Il devenait complètement barge. C'était amusant... Pathétique même.

Il y avait déjà quelqu'un quand il daigna bougeait ses petites fesses pour entrer. Il reconnu la lumière éblouissante. Il savait maintenant que c'était un phare, son père adoptif lui lisait des livres sur un chien qui s'occupait d'un phare. Il lui avait expliqué avec plus de détails que jamais comment cela fonctionnait et à quoi cela pouvait ressembler. Comme toujours, il prit cette expression chétive. Il allait l'amadouer elle aussi, comme tant d'autre. Il ouvrit ses grands yeux émeraudes et se força à pleurer. Enfin "pleurer", seulement quelques larmes roulèrent sur ses deux joues creusées et rougis par le froid de cette nuit. Il s'approcha un peu plus de la jeune femme, enfin, il jugea que c'était une femme. Et pris un air apeuré avant de lancer d'une voix similaire :

« Excusez-moi madame... Je me suis perdu... Vous voulez bien m'aider... S'il vous plait ! »

Seul son sourire aurait pu trahir sa comédie. Ses lèvres qui se tordaient en une grimace sadique, qu'elle ne verra pas... Elle n'y fera pas attention...

Une petite voix fluette attira son attention. La voix venait de derrière elle alors qu'elle avait commencée à gravir les marches du phare.
Elle se retourna.
Tout d'abord elle ne distingua qu'une maigre et chétive silhouette en contre-bas puis quelques secondes plus tard elle commença à discerner deux grands yeux verts. Un beau vert émeraude comme elle n'en avait pas vu depuis longtemps.
La jeune femme fit un petit sourire naturelle et rassurant à l'enfant, sachant pertinemment qu'il ne le verrait pas.
Perdu disait-il ? Et bien elle aussi était perdue. A sa manière. Perdue dans l'immensité de la contemplation du phare qui l'avait laissé coite de longues minutes... Elle y était encore, pas tout à fait sortie de ce rêve éveillée, le vivant quelques instant de plus.
Bizarre ? Oui, certainement, elle l'était. Mais, de nos jours, qui ne l'était pas ? Qui pouvait prétendre ne pas l'être ? Personne selon elle.
Et ce petit garçon en contre-bas, qui lui demandait de l'aide. Que devait-elle faire ? Elle ne prit même pas la peine de réfléchir que sa réponse franchie illico-presto ses lèvres.

"Je suis désolée. A vrai dire, moi aussi je suis un peu perdu vois-tu. Je ne saurai comment t'aider. Surtout qu'il fait nuit noire. Mais si tu ne veux pas rester tout seul, tu n'as qu'à me suivre, je monte jusqu'en haut du phare."

Elle lui fit un nouveau sourire, qu'il ne pouvait toujours pas voir puis elle entreprit la longue ascension de la centaine de marches qu'il devait y avoir avant la plateforme finale du phare. Bien sûr, son esprit fonctionnait à merveille et elle monta en pensant à une multitude de choses différentes, autant réels qu'irréels...
Et elle ne s'inquiéta pas de savoir si le garçonnet la suivait où s'il avait décidé de faire demi-tour et de trouver quelqu'un d'autre pour lui apporter une quelconque aide... Mais vu l'heure tardive, elle doutait sérieusement qu'il puisse trouver quelqu'un dans les environs... Ils devaient tous dormir...
Au fur et a mesure qu'elle grimpait, il faisait moins sombre et elle buttait moins contre les marches, assez hautes il fallait l'avouer du phare. Et elle ne s'essoufflait pas le moins du monde, même si ça ne se voyait pas, elle était assez sportive et le fait d'avoir été initié dès son plus jeune âge aux arts martiaux l'avait rendue très endurante. Ainsi cet effort n'était pas très fatiguant pour elle et elle atteignit plus rapidement qu'elle ne le pensait, l'étage final du phare.
La lumière continuait sa course, tournant sur elle-même inlassablement ne semblant jamais pouvoir s'arrêter, éclairant par intermittence la mer puis la terre, l'éclairant elle au passage, l'aveuglant quelques secondes.
Personne. Comme elle s'y attendait, il n'y avait personne dans la bâtisse ce qui n'était pas pour lui déplaire, elle aurait la paix. Enfin, ils auraient la paix car le petit garçon semblait l'avoir suivit, péniblement il fallait dire car un enfant de son âge ne devait pas posséder la résistance de l'adulte qu'elle était.
Elle lui fit un petit sourire de félicitation, son sourire semblait d'ailleurs être un don du ciel car il avait la faculté d'illuminer son visage et de l'embellir. Ses grands yeux bleus insondables où il était si facile de se noyer détaillèrent rapidement l'enfant. C'est qu'il faisait nettement moins sombre lorsqu'on se trouvait là-haut ! Ils étaient même presque aveugler lorsque la lumière revenait sur eux mais ça ne durait que quelques secondes. Puis ils avaient quelques secondes de répit et ça recommençait. Comme une course poursuite.
C'est alors qu'elle remarqua le violon et elle haussa un sourcil interrogateur. Il fallait bien engager la conversation pour qu'il soit un peu plus à l'aise.

"Tu es musicien ?"

* Tic tac tic tac... Pendant que le temps tourne tu te fais avoir en beauté ma jolie... *

Il souris... Grimace sadique qui tordait son visage le rendant beaucoup moins "mignon". Mais elle s'était déjà retournée après lui avoir lancer dans une voix qu'il trouva aimable.

"Je suis désolée. A vrai dire, moi aussi je suis un peu perdu vois-tu. Je ne saurai comment t'aider. Surtout qu'il fait nuit noire. Mais si tu ne veux pas rester tout seul, tu n'as qu'à me suivre, je monte jusqu'en haut du phare."

Elle ? Perdue ? C'était comique... Lui il n'était pas perdu. Il savait exactement où aller. En haut... Elle grimpa les marches du phare. Il lui fallut plusieurs secondes avant d'identifier ces mêmes marches. Il les monta lentement, prenant garde à ne pas trébucher. C'était effrayant la façon dont il les montait. Son visage prenait cette expression mauvaise qui l'amenait en haut. Mauvaise...

* Tic tac tic tac... Tu en veux encore, encore, encore... Plus disait le renard... Plus *

Il tournait en rond, tournait. Il suivait la silhouette étrangement bleu de la femme sans même se soucier de ce qu'il ferait une fois en haut... En haut.

Il repensa à ces paroles. « Je suis désolée. » Qu'elle avait dit. Il sourit. Désolée de quoi ? Etait-elle assez bête pour se sentir désolé d'une chose dont elle se fichait. Elle se fichait de lui, de ses manières et de ses larmes enfantine feinte. Elle n'était pas là par hasard. Si ça se trouve elle voudrait peut-être le tuer. Le tuer en le poussant du haut du phare... Sourire feint. Il aurait éclaté de rire si une lumière éblouissante lui brûla les yeux. Elle... Le tuer. C'était hilarant...

"Tu es musicien ?"

Il leva la tête. Puis la tourna vers la main qui tenait son violon. Il fut tenté de lui répondre « Non je n'ai jamais joué » sur un ton ironique presque sarcastique. Mais pour l'instant, il n'était pas tenté. Il se contenta de serrer avec force la sangle de son violon comme si elle s'y était entendu pour lui voler.

* Tic tac tic tac... Si tu joues elle t'entendra. Elle verra comme tu peux être malsain mon garçon... Elle tombera dans le piège. *

Il tenta de desserrer son emprise sur la sangle. Ses jointures en étaient devenues blanches. Il leva un sourcil puis lança d'une voix beaucoup moins enfantine que son visage :

« Lache-le... »

Et sa main obéi. Le violon se retrouva par terre et en quelques secondes il fut dans les deux mains de l'enfant. Le menton sur la mentonnière il tenait le manche de la main droite. Gaucher de surcroît ? Hum pas tout à fait. Il était ambidextre... Du moins il se faisait passer pour. L'archet pendant de sa main gauche il fit crisser la lanière de peau sur les cordes. Il en sorti un son mélodieux, presque hypnotisant. Il sourit voyant qu'il marchait toujours aussi bien.

Il joua... Longtemps... Combien de temps à peu près ? Longtemps... Il s'arrêta, sa respiration était aussi calme que s'il revenait d'un sommeil lourd. Ses doigts agrippèrent fermement le manche de son alto et se crispèrent quand l'archet fut remis en place dans l'étui grisâtre. Il leva la tête en direction de la jeune femme. Et d'une voix presque ironique lui lança :

« Comment avez-vous deviner ? »

Il aimait la provocation. Il avait affaire à une femme douce, elle n'avait pas peur de lui. Il lui rendit un sourire enfantin et ses yeux étincelaient jovialement... Ils pouvaient commencer à jouer ensemble...

Il était vrai que la question avait du paraître étrange à l'enfant. Après tout, il avait un violon, logique qu'il soit un musicien !
Oui mais voilà, ici, il n'y avait plus de logique. On s'amusait bien à leur retirer leurs effets personnels pour ne leur laisser que de drôles d'objets.... Il aurait très bien pu avoir eut cet Alto de cette manière... Un violon, quel magnifique instrument.
Même si elle n'en avait pas l'air, elle aimait beaucoup la musique classique, en particulier le son des violons et celui des harpes.

Puis le jeune garçon se mit à jouer. Elle fut tout de suite transportée par la mélodie. Il jouait divinement bien.
Combien de temps dura le morceau ? Elle n'en avait pas la moindre idée mais alors qu'elle sortait tout doucement de ce rêve éveillé, le garçonnet lui posa une question sur un ton qui se voulait certainement ironique et à laquelle elle se contenta de répondre avec un haussement d'épaules.
Elle n'avait pas comprit tout à l'heure, avant qu'il ne joue ce morceau si beau, il avait ordonné de vive voix à sa main de lâcher l'instrument. Enfin, c'est ce qu'elle avait comprit. Peut-être avait-il quelques problèmes d'ordres mentaux ? Elle n'était pas de nature méfiante mais elle était tout de même prudente. Il ne lui paraissait ni sincère ni naturel et son sourire sonnait faux.

Pourtant, elle ne pouvait pas se résigner à considérer le petit garçon autrement que comme un petit garçon "normal"... "normal", ce qu'elle pouvait détester ce mot ! Et pourtant elle l'employait, comme tout le monde ou presque. La normalité était une chose qu'elle ne comprenait pas et elle ne devait pas être la seule...

Revenant au petit garçon devant elle, elle décida qu'il était impoli qu'il reste dans l'ignorance de son nom et elle aussi. Elle se courba donc comme les japonais le faisait pour saluer et se présenta en se redressant.

"Je m'appelle Hana. Et toi, quel est ton nom ?"

Bien sûr, il n'était pas obligé de lui répondre mais il n'avait rien à perdre et rien à y gagner. Un nom ne changerait certainement rien à leurs relations et si elle était douce et naturelle avec lui, il semblait en revanche plus sur la défensive. Enfin c'est ce qu'elle sentait et elle ne comprenait pas pourquoi. Ses cheveux noirs et ses yeux marines qu'il pouvait voir par courtes périodes l'effrayaient-ils ? Où bien était-il de nature craintive et méfiante ?
Tant de questions qui se bousculaient dans sa tête mais qu'elle ne poserait pas. De toute manière, elle ne voyait pas pourquoi il lui voudrait du mal, un beau petit garçon comme ça !
La jeune femme commençait à avoir des fourmis dans les jambes et sentait la fatigue la gagner de plus en plus. Elle était venue là pour se reposer à la base, pas pour discuter et elle se demandait comment le petit garçon faisait pour ne montrer aucun signe de fatigue. A son âge, se coucher après minuit lui était défendue et de toute manière elle ne tenait pas.
Pourtant, Christopher ne semblait pas souffrir de fatigue. Hana finit donc par s'asseoir contre la fine barrière qui les séparait de la lampe qui continuait sa course-poursuite sans se soucier d'eux.
D'autres questions vinrent alors s'allumer dans son esprit : est-ce que le phare restait en marche le jour aussi ? Si non, qui venait l'éteindre et l'allumer ? Qui s'en occupait ?
Bref, elle était encore en train de divaguer ailleurs sans se soucier du plus important : l'enfant.

* Tic tac tic tac... Tu sais que tu deviens de plus en plus envahissant... *

Elle s'inclina. Pourquoi ? Il ne savait pas. Il n'avait jamais vu ce genre de rituel. Cela servait à quoi ? Saluer ? Il en pris compte avec une grimace dédaigneuse puis haussa les épaules. Elle se redressa.

"Je m'appelle Hana. Et toi, quel est ton nom ?"

Il semblait pétrifier sur place. Son nom ? Quel était son nom ? Il n'avait pas de "nom" à lui. On l'appelait Christopher mais, ne s'appelait-il pas Joshua puisqu'il a bien été adopté sous ce même nom. Les secondes défilèrent... Il ne savait pas quoi répondre. Devait-il lui mentir ? Inventer un prénom ? Ne pas lui répondre ? Sa phrase se cognait dans les recoins de la tête du gamin. Il était capable de répondre à tout, mais pas à ce genre de question...

* Le renard s'est fait mordre la queue gamin... *

Il accentua la pression qu'il donnait sur son violon. Que faire ? « Que faire ? » Cette question se figeait dans sa tête. Il ne pouvait pas lui répondre... Il baissa la tête et lança finalement, de sa voix froide et distante, pas du tout celle d'un gamin :

« Je ne le connais pas vraiment... »

Il grimaça lorsque la lumière vive du phare vînt à l'éblouir. Mais pour qui se prenait-il ? Il avait bel et bien un prénom. Il s'appelait Christopher Van Serber. Il se redressa, posant ses yeux émeraudes sur la jeune fille et fronça les sourcils.

« Joshua... Joshua c'est mon nom »

Il était plus malin qu'il en avait l'air... Il n'avait aucune raison de lui donner son vrai nom. Et puis "Hana" n'était peut-être pas le sien même s'il doutait qu'elle puisse lui mentir. Il releva soudainement la tête. Il venait de lui parler en allemand. L'allemand... Il se demanda si elle l'avait compris. Elle ne parlait sans doute pas l'allemand. Pourtant "Hana" ça n'était ni anglais ni français... Il se demanda si elle n'était pas Japonaise. Après tout il avait eu du mal à comprendre ce qu'elle lui disait. Il croisa ses mains derrière son dos tenant fermement l'étui de son violon.

« Et si tu commençais à t'amuser ? Laisse-moi au moins le faire... »

Il déglutit, il venait de parler à voix haute... Heureusement ce n'était qu'un allemand imparfait qu'il avait utilisé, mais il avait tout de même parlé à voix haute. Ses yeux émeraudes furent pris d'un éclat mêlant sadisme et crainte. Deux ingrédients que lui seul pouvait utiliser à bon escient... Marrant pour un gamin de la dizaine de penser à ce genre de choses. Marrant...

Il porta une main fine devant ses yeux, la lumière lui brûlait étrangement les yeux. Bien qu'étant aveugle, ses jeunes yeux étaient très sensible. Une trop forte lumière lui faisait vite tourner de l'oeil. Dans l'obscurité par contre, le gamin se sentait apaisé. C'était donc bien douloureux de se retrouver un coup dans la lumière et un coup dans l'ombre. C'était comme sa propre montée au ciel. Qui sait, il était peut-être déjà mort à l'heure qu'il est ?

* Et comment monsieur du Corbeau ? *

Il se força à effacer le sourire sadique qu'il se mit à afficher suite à cette remarque intérieure. Comment aurait-il pu mourir alors qu'il venait juste de commencer à jouer ? D'ailleurs ce n'était plus le gamin pleurnichard qui s'appelait Christopher qui regardait la jeune fille. A ce moment-là c'était Joshua, le gamin a la mine pale et assassine. Il n'était pas fou... Il était sans doute bien pire...

« Vous savez pourquoi les phares ont cette forme cylindrique ? Et comment marche cette lumière qui nous éblouies en ce moment ? Et vous savez aussi pourquoi la tour doit être haute ? »

Ces questions étaient toujours accompagnées d'un petit sourire et d'un regard lui redonnant cet air chétif.

» Ailleurs : dans un vertige. [ If you have time to lose. . . Give me it. ]